AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jacques Y..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 18 décembre 1996 par la cour d'appel de Nancy (1e chambre civile), au profit :
1 / de Mme Jeanne Z..., demeurant ...,
2 / de Mme Claude Z... épouse X..., demeurant ...,
3 / de Mlle Edith Z..., demeurant ...,
4 / de M. Gilbert Z..., demeurant ...,
5 / de M. Joel Z..., demeurant ...,
6 / de M. Paul Z..., demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 novembre 1999, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Guerrini, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, M. Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guerrini, conseiller, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. Y..., de Me Choucroy, avocat de Mlle Edith Z..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 18 décembre 1996) que M. Z..., aux droits duquel se trouve Mlle Edith Z..., a donné son accord, par acte sous seing privé du 23 novembre 1965, à M. Y..., propriétaire d'un fonds contigu à un immeuble lui appartenant, pour l'édification d'un immeuble d'habitation à proximité de la ligne séparative, sur une surface couverte par une servitude de prospect, en échange de l'engagement de M. Y... de réaliser, au droit de la construction de M. Z..., une plate-forme formant aire de stationnement et d'autoriser sans interruption le stationnement du véhicule de ce dernier ; qu'après le décès de M. Z..., M. Y... a demandé qu'il soit fait interdiction à ses héritiers d'utiliser son terrain ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors, selon le moyen, "1 ) que la servitude est caractérisée par la constitution d'un droit réel immobilier grevant un fonds au profit d'un autre fonds ; qu'en l'espèce, pour considérer que le fonds des consorts Z... bénéficiait d'une servitude conventionnelle de stationnement sur le fonds Y..., la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'acte du 23 novembre 1965 comportait de la part des parties des "abandons de droits réciproques" ; qu'en statuant par ces seuls motifs inopérants, sans relever qu'un droit réel immobilier grevait le fonds de M. Y... au profit du fonds des consorts Z..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 637 du Code civil ;
2 ) que la servitude constitue un droit réel immobilier grevant un fonds au profit d'un autre fonds ; qu'en énonçant que l'acte du 23 novembre 1965 comportait un abandon de droits réciproques, la cour d'appel a relevé l'existence de droits personnels que les parties se sont consenties l'une à l'autre et non pas à leur fonds ; qu'en considérant néanmoins que l'acte du 23 novembre 1965 établissait une servitude de stationnement au profit du fonds Z..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 637 du Code civil ; 3 ) qu'il résulte de l'acte du 23 novembre 1965 visé par la cour d'appel que M. Y... "autorisait" le stationnement du véhicule de M. Z... sur son fonds ; que le terme "autorisation" attestait la nature personnelle du droit consenti par M. Y... à la personne de M. Z... ; qu'en considérant que l'acte litigieux conférait une servitude de stationnement conventionnelle, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 637 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la convention intervenue entre les parties consacrait des abandons de droits réciproques dont profitait chacun des fonds concernés, la cour d'appel, recherchant la commune intention des parties, a légalement justifié sa décision en retenant souverainement que l'acte du 23 novembre 1965 avait institué une servitude de stationnement grevant le fonds de M. Y... au profit de celui de M. Z..., de telle sorte que l'autorisation accordée à ce dernier ne s'analysait pas en un droit d'usage viager s'éteignant par le décès de son titulaire, mais bénéficiait à ses héritiers, propriétaires du fonds dominant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à Mlle Edith Z... la somme de 9 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.