AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Alain X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 4 novembre 1997 par la cour d'appel de Grenoble (1e chambre civile), au profit de M. Claude Y..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 15 février 2000, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Bénas, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bénas, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'en mars 1992, M. Y... a acquis de M. X..., garagiste, un véhicule ; qu'en novembre 1992, il l'a revendu à M. Z..., après avoir été informé dans le cadre d'une information judiciaire que ce véhicule avait été volé dans la nuit du 11 au 12 février 1991 à la société ALV ; que la société GAN, assureur de la société ALV, a obtenu en référé la restitution du véhicule ; que M. Y..., assigné par M. Z... en remboursement du prix du véhicule et en dommages-intérêts, a appelé en garantie M. X... ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 4 novembre 1997) d'avoir déclaré recevable l'action en garantie de M. Y..., alors, selon le moyen, que la garantie d'éviction ne peut être exercée par celui qui a perdu tout droit sur la chose pour l'avoir revendue, l'intéressé ne pouvant éventuellement agir contre son vendeur que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en décidant que le revendeur du véhicule au dernier possesseur, tenu de le délaisser, pouvait obtenir de son propre vendeur la restitution du prix que celui-ci avait perçu, bien que l'obligation du vendeur d'assurer à l'acquéreur la possession paisible de la chose ne puisse être mise en oeuvre que par la victime de l'éviction, la cour d'appel a violé les articles 1625 à 1640 du Code civil ;
Mais attendu que si l'action en garantie d'éviction se transmet, en principe, avec la chose vendue au sous-acquéreur, le vendeur intermédiaire ne perd pas la faculté de l'exercer lorsqu'elle présente pour lui un intérêt direct et certain ; que l'arrêt a relevé que M. Y... avait été condamné sur le fondement de la garantie d'éviction à rembourser à M. Z... le prix du véhicule et à lui verser des dommages-intérêts ; que, dès lors, il en résultait que M. Y... avait un intérêt direct et certain à agir à titre personnel contre M. X... pour obtenir réparation de son préjudice ;
D'où il suit que le grief n'est pas fondé ;
Mais sur la seconde branche :
Vu l'article 1626 du Code civil ;
Attendu que pour accueillir le recours en garantie de M. Y... à l'encontre de son vendeur, l'arrêt retient que la cause de l'éviction était antérieure à la vente du véhicule et n'était pas connue de M. Y... ;
Attendu, cependant, que le vendeur ne doit pas garantie à l'acquéreur qui aurait pu éviter l'éviction ou si celle-ci est imputable à sa faute ; que, dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si la faute commise par M. Y... ayant revendu le véhicule à un particulier, en connaissant sa provenance délictueuse, n'était pas à l'origine de son préjudice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 novembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes tant de M. X... que de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille.