Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 octobre 1998), que le magazine Capital a publié, dans son numéro 54 du mois de mars 1996, un dossier spécial intitulé " Etats, régions, sécu... La France des gaspillages : 200 exemples concrets de dépenses publiques inutiles " ; que, dans une double page consacrée aux municipalités, l'article a cité, parmi d'autres exemples, " une salle de 12 200 places pour les 9 000 habitants d'Amneville (Moselle) " ; que l'article a rappelé que le maire de cette commune, M. X..., avait promis à ses administrés qu'il ne construirait jamais d'équipements dont les recettes commerciales seraient insuffisantes pour rembourser les emprunts, que la ville a souscrit pour la construction de la salle en 1990 un emprunt de 64 millions remboursable par annuités de 8 millions, mais que l'exploitant de la salle n'a rien versé à la commune, les recettes permettant seulement après cinq ans d'exploitation de couvrir les frais de fonctionnement ; que l'article a conclu que " les contribuables amnévillois n'ont pas fini de payer l'honneur d'avoir accueilli Johnny dans leur riante commune " ; que, par acte d'huissier du 27 septembre 1996, M. X..., agissant tant à titre personnel qu'en qualité de maire de la commune d'Amneville, a fait assigner devant le tribunal de grande instance la société Prisma presse, éditrice du magazine, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil en réparation du préjudice occasionné par cette publication, tant à la commune dans sa notoriété qu'à son maire dans ses capacités de gestionnaire scrupuleux ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré son action irrecevable, en application des articles 30, 31, et 46 de la loi du 29 juillet 1881, alors, selon le moyen :
1° que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ; que l'éditeur qui cause un préjudice à autrui en publiant un article dans la presse doit réparer ce préjudice ; qu'en l'espèce, M. X... avait assigné la société Prisma presse pour obtenir réparation du préjudice causé par la publication d'un article relatif à la salle de spectacles Galaxie de la commune d'Amneville, lequel contenait des informations inexactes qu'une enquête sérieuse aurait permis de ne pas formuler ; qu'une telle action était distincte de l'action civile résultant des délits de diffamation prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en retenant le contraire pour dire irrecevable l'action de M. X..., la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1382 du Code civil ;
2° que, contrairement à l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la loi du 29 juillet 1881, l'action en responsabilité civile ne se prescrit pas par trois mois ; qu'en décidant que l'action en réparation engagée par M. X... était irrecevable faute d'avoir été engagée dans les trois mois de la publication de l'article dommageable, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Mais attendu que les abus de la liberté d'expression, prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881, ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
Et attendu que l'arrêt retient que les faits dénoncés par l'article consistent en un reproche adressé au maire d'Amneville d'avoir construit une salle de spectacles d'une contenance très supérieure au nombre total des habitants de la commune, et d'avoir ainsi fait fi, sans nécessité, des engagements pris envers ses administrés, ce qui, rapproché du titre du dossier spécial, est qualifié de " gaspillage " ; qu'ainsi l'article impute au maire des faits précis contraires à l'honneur et à la considération et qu'il constitue la diffamation prévue par l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'il est constant que les agissements imputés à M. X... procèdent exclusivement de l'exercice de son mandat de maire de la commune d'Amneville ; qu'aux termes des articles 31 et 46 de la loi du 29 juillet 1881, l'action civile résultant du délit de diffamation commis envers un citoyen chargé d'un mandat public temporaire ou permanent à raison de ses fonctions ou de sa qualité ne peut être poursuivie séparément de l'action publique ; que l'action exercée directement devant une juridiction civile est irrecevable ; que la commune d'Amneville, qui apparaît dans le dispositif de l'assignation à travers la demande formée pour son compte par son maire, se heurte à la même irrecevabilité ;
Que par ces constatations et énonciations, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche du moyen, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.