Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le Fonds de garantie des victimes d'infractions que sur le pourvoi incident relevé par Mme X... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Michèle X..., alors âgée de 11 ans, victime le 3 avril 1975 de coups et blessures volontaires, a été indemnisée par une décision du 24 janvier 1978 du juge des enfants ; que, par requête du 6 juin 1994, elle a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction d'une demande d'indemnisation de son préjudice qui s'était aggravé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est préalable :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que les faits survenus en 1975 et ayant fait l'objet d'une décision définitive du juge des enfants en date du 24 janvier 1978, ne sont pas susceptibles de lui permettre d'obtenir une indemnisation et d'avoir déclaré recevable sa demande concernant l'aggravation de son état survenue le 21 janvier 1993 sur la base de l'article 706-5 du Code de procédure pénale alors, selon le moyen :
1° que la loi s'applique immédiatement aux situations existant lors de son entrée en vigueur ; que n'ayant jamais fait l'objet d'une décision de la part d'une commission d'indemnisation à la suite de l'infraction dont elle a été victime le 3 avril 1975, elle aurait dû bénéficier immédiatement des dispositions de la loi du 6 juillet 1990 conformément à l'article 18 de cette loi ; qu'en énonçant cependant qu'elle ne pouvait se prévaloir de cette disposition parce qu'elle a été indemnisée par une décision du juge des enfants en date du 24 janvier 1978, la cour d'appel a violé l'article 18 de la loi du 6 juillet 1990 ;
2° qu'en tout état de cause, I'article 18, alinéa 2, de la loi du 6 juillet 1990 est une mesure transitoire de cette loi qui définit les situations régies par les dispositions qui en sont issues ; qu'ainsi, tous les faits commis avant le 1er janvier 1991, y compris ceux commis avant le 1er janvier 1976, la loi récente ne les excluant pas, peuvent donner lieu à indemnisation dans les conditions prévues par les articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale, soit dans leur rédaction issue de la loi du 6 juillet 1990 lorsqu'ils n'ont pas donné lieu à une décision d'indemnisation passée irrévocablement en force de chose jugée, soit par application de l'article 706-5 du Code de procédure pénale qui autorise le requérant à être relevé de la forclusion lorsqu'il a subi une aggravation de son préjudice ; que la cour d'appel ne pouvait ainsi tirer argument de l'article 18, alinéa 2, de la loi du 6 juillet 1990 pour lui refuser de revenir sur l'indemnisation de son préjudice corporel, dont elle constatait par ailleurs qu'il s'était aggravé et que cela justifiait qu'elle soit relevée de la forclusion ; que ce faisant, elle a violé l'article 18 de la loi du 6 juillet 1990, ensemble l'article 706-5 du Code de procédure pénale ;
3° que l'article 706-5 du Code de procédure pénale dispose, in fine, que la commission relève le requérant de la forclusion lorsqu'il a subi une aggravation de son préjudice ; que cette disposition ne distingue pas entre le préjudice initial et son aggravation, la forclusion étant relevée pour l'ensemble du préjudice ; que la cour d'appel, qui a constaté que l'aggravation de son état survenue le 21 janvier 1993 justifiait qu'elle soit relevée de la forclusion en vertu de l'article 706-5 du Code de procédure pénale, ne pouvait limiter la recevabilité de la demande de la victime à la seule indemnisation de l'aggravation de son préjudice ; que ce faisant, elle a violé l'article 706-5 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu que l'article 18, alinéa 2, de la loi du 6 juillet 1990, en prévoyant que les dispositions de cette loi s'appliquent aux faits qui n'ont pas donné lieu à une décision irrévocablement passée en force de chose jugée, limite ainsi son champ d'application aux faits qui étaient déjà susceptibles d'être indemnisés sur le fondement des articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale à d'autres conditions sous le régime antérieur ; qu'il en résulte qu'en l'absence de régime d'indemnisation antérieur à la loi du 3 janvier 1977 pour des faits commis avant le 1er janvier 1976, l'arrêt, par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, est légalement justifié en ce qu'il a dit que les faits survenus en 1975 n'étaient pas susceptibles d'être indemnisés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu l'article 18, alinéa 2, de la loi du 6 juillet 1990 ;
Attendu que pour dire recevable la demande d'indemnisation concernant l'aggravation de l'état de santé de Mme X..., l'arrêt se borne à énoncer que celle-ci ne peut revenir sur l'indemnisation du préjudice corporel qui lui a été accordée par jugement du 24 janvier 1978 mais que l'aggravation de son état survenue le 21 janvier 1993 justifie qu'elle soit relevée de la forclusion ;
Qu'en statuant ainsi, alors que cette aggravation était indissociable du préjudice initial qui n'était pas susceptible d'être indemnisé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il y a lieu de faire application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable la demande d'indemnisation de l'aggravation de l'état de Mme X..., l'arrêt rendu le 12 novembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable la demande de Mme X... tendant à l'indemnisation de l'aggravation de son préjudice.