Attendu, selon le jugement attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e chambre civile, 18 mars 1999, Bull. II, n° 53, p. 38), que M. Y..., agissant en qualité d'électeur, après avoir fait constater l'inéligibilité de certains candidats de la liste " Entreprise Plus ", a saisi le tribunal d'instance d'un recours tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 10 décembre 1997 au sein du collège employeur, section industrie, lors du renouvellement des membres du conseil de prud'hommes de Lille ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief au jugement de s'être borné, pour dire n'y avoir lieu à annulation des élections, à examiner le moyen tiré de la violation des articles L. 513-6 et R. 513-32 du Code du travail, alors que d'autres moyens tendant aux mêmes fins avaient été soulevés devant le tribunal primitivement saisi, de sorte que le Tribunal aurait violé l'article 634 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que M. Y... ayant comparu et conclu devant la juridiction de renvoi, celle-ci n'était tenue de répondre qu'aux prétentions et moyens formulés devant elle, alors même que la procédure est orale ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles L. 513-6 et R. 513-32 du Code du travail ;
Attendu, selon ces textes, qu'aucune liste ne peut comporter un nombre de candidats inférieur au nombre de postes à pourvoir ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation des élections, le jugement énonce que l'inéligibilité d'un candidat proclamée après le déroulement des opérations électorales ne peut avoir pour conséquence la remise en cause de la régularité d'une liste quoiqu'elle soit devenue de ce fait incomplète ; que l'irrégularité reprochée n'a pas d'incidence directe quant au résultat du scrutin, la liste contestée étant seule en lice, et que, le nombre de conseillers élus, soit douze, étant supérieur à la moitié du nombre total de postes, soit dix-sept, les modalités de fonctionnement de la section s'inscrivent dans les prévisions de l'article L. 513-8 du Code du travail ;
Attendu, cependant, qu'en statuant ainsi, alors que la liste " Entreprise Plus " ne comportait plus, après l'invalidation de cinq candidats contestés, qu'un nombre de candidats inférieur au nombre de postes à pourvoir et que cette irrégularité substantielle avait nécessairement vicié le scrutin, le Tribunal a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 6 décembre 1999, entre les parties, par le tribunal d'instance de Douai ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Annule les élections qui se sont déroulées le 10 décembre 1997 au sein du collège employeur, section industrie, lors du renouvellement du conseil de prud'hommes de Lille.
MOYENS ANNEXÉS
Moyens produits par Me Hennuyer, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché au jugement attaqué qui constate qu'ont été déclarés inéligibles dans le collège " employeur " section " Industrie ", pour les élections au conseil de prud'hommes de Lille s'étant déroulées le 10 décembre 1997 par un jugement postérieur aux opérations électorales, cinq candidats qui avaient été proclamés élus avec douze autres colistiers de la liste " Entreprise Plus ", seule en lice, et comportant dix-neuf candidats pour dix-sept sièges à pourvoir, d'avoir dit n'y avoir lieu à annulation desdites élections et d'avoir débouté M. Y... de sa demande à cette fin,
AUX MOTIFS QUE si le dernier alinéa de l'article L. 513-6 introduit par la loi du 6 mai 1982 exige que le nombre des candidats de chaque liste soit au moins égal au nombre des postes à pourvoir, l'alinéa 2 du même article tend à éviter l'organisation d'élections complémentaires en cas de sièges devenus vacants, notamment par suite d'inéligibilité, que le texte susvisé ne précise pas si l'inéligibilité d'un élu reconnu a posteriori est susceptible de remettre en cause la régularité de la liste, que la juridiction suprême a déjà, par deux arrêts en date du 30 juin 1983 et du 17 novembre 1983, indiqué que l'inéligibilité d'un candidat proclamé après le déroulement des opérations électorales ne peut avoir pour conséquence la remise en cause de la régularité d'une liste quoiqu'elle soit devenue de ce fait incomplète, qu'en l'espèce l'irrégularité reprochée n'a pas d'incidence directe quant au résultat du scrutin, qu'il convient d'observer que la liste " Entreprise Plus " était seule en lice, l'autre liste " Patrons Indépendants " comportant le nom de M. Pierre Y... ayant été invalidée antérieurement à l'élection, que par ailleurs l'article L. 513-8 dispose qu'en cas de vacances : " la section fonctionne quelle que soit la qualité des membres élus ou en exercice pourvu que leur nombre soit au moins égal à la moitié du nombre total des membres dont elle doit être composée, la même disposition est applicable au cas où une ou plusieurs élections ont été annulées pour cause d'inéligibilité des élus ", qu'il résulte de cette disposition que le législateur a eu le souci de préserver la continuité de l'action des membres de la section plutôt que de consacrer une rupture engendrée par une irrégularité qui n'est pas de nature à vicier l'ensemble des résultats, que le nombre des postes étant fixé à dix-sept et le nombre des conseillers élus étant de douze, les modalités de fonctionnement de la section s'inscrivent dans les dispositions du texte susvisé ;
ALORS QUE, D'UNE PART, ces motifs sont en contradiction avec ce qui a été jugé par l'arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 1999 qui a déclaré que la liste " Entreprise Plus " ne comportant plus, après l'invalidation de cinq candidats contestés, qu'un nombre inférieur au nombre de postes à pourvoir, de sorte que sa régularité ainsi que celle du scrutin étaient remises en cause ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, les élections des conseillers prud'hommes ayant lieu à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne sans panachage, ni vote préférentiel, la présence de cinq candidats inéligibles sur dix-neuf candidats pour dix-sept sièges à pourvoir était de nature à affecter les résultats du scrutin ;
ALORS QU'ENFIN, la Cour de cassation a jugé dans ses arrêts du 9 décembre 1997 que la contestation de la régularité des listes de candidatures pouvait être portée devant le juge de l'élection, qu'il s'ensuit que l'inéligibilité des candidats peut être invoquée à l'appui d'une contestation de la régularité d'une liste de candidatures postérieurement aux opérations électorales ;
QU'AINSI le jugement attaqué n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient et a violé les articles L. 513-6 et R. 513-32 du Code du travail et l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Y... de toutes ses demandes, fins et conclusions tendant à l'annulation des élections du conseil de prud'hommes de Lille du 10 décembre 1997 dans le collège " employeur " section " Industrie ",
EN SE BORNANT à examiner le moyen tiré de la violation des articles L. 513-6 et R. 513-32 du Code du travail, à déclarer n'y avoir lieu à l'annulation desdites élections bien que l'inéligibilité, prononcée après les élections, de cinq candidats proclamés élus avec douze autres colistiers de la liste " Entreprise Plus " ait eu pour effet d'abaisser à douze le nombre de candidats éligibles de la liste, soit en dessous du nombre de postes à pourvoir qui était de dix-sept ;
ALORS QUE dans ses conclusions devant le tribunal d'instance de Lille dont le tribunal d'instance de Douai se trouvait saisi en tant que juridiction de renvoi, M. Y... avait invoqué,
D'UNE PART, la manoeuvre frauduleuse ayant consisté dans le maintien de M. X... sur la liste des candidats présentés par " Entreprise Plus ", nonobstant le jugement du tribunal d'instance de Lille du 14 novembre 1997 qui avait dit que M. X... ne devait plus figurer sur cette liste, ceci en violation des articles 1350 et 1351 du Code civil,
D'AUTRE PART, le défaut d'information des candidats sur le fondement du scrutin, formulé par M. Y..., candidat de la liste " Patrons Indépendants ", dont le retrait avait été ordonné par jugement du 14 novembre 1997 et qui n'avait pas été convoqué dans le cadre de l'instance ayant abouti à ce jugement annulant sa candidature, cette irrégularité de procédure privant la décision de base légale,
ET ENFIN qu'il en était de même de la décision d'écarter la candidature de M. X... qui figurait sur la liste " Entreprise Plus " et sur la liste " Patrons Indépendants " et, par voie de conséquence, d'ordonner le retrait de cette dernière liste ;
QUE le jugement attaqué a laissé sans réponse lesdites conclusions, qu'il est par suite entaché d'un défaut de motifs et a violé les articles 455 et 634 du nouveau Code de procédure civile.