Sur le moyen unique du pourvoi principal pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 15 mars 2000), que M. Y..., maître de l'ouvrage, assuré suivant police multirisques habitation par la société Garantie mutuelle des fonctionnaires (GMF), ayant entrepris la construction d'une maison sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, assuré par la société Mutuelle des architectes français (MAF), a chargé du gros oeuvre M. Z..., décédé depuis lors, qui a sous-traité une étude de béton et des fondations au bureau d'études Soneco (BET Soneco), assuré par le Groupe des assurances nationales (Gan) ; que des fissurations étant apparues, qui se sont aggravées en raison de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse, M. Y... a assigné en réparation MM. X..., Z..., le BET Soneco et leurs assureurs ; que M. X..., la MAF, le BET Soneco et le Gan ont appelé en garantie la GMF ;
Attendu que M. X... et la MAF font grief à l'arrêt d'accueillir la demande dirigée contre eux, alors, selon le moyen, que l'imputabilité, même partielle, d'un désordre de construction à une catastrophe naturelle déclarée comme telle, est, dans cette mesure, de nature à exclure la garantie due au maître de l'ouvrage par les constructeurs, pour autant qu'en dépit des dispositions prises par eux, elles ne pouvaient en prévenir les effets ; que l'expert ayant constaté que les effets de la sécheresse s'étant fait sentir jusqu'à 4 ou 5 mètres de profondeur, cependant que les fondations avaient été encastrées à 0,80 mètre, au-delà de la profondeur habituellement réalisée (0,50 mètre) et qu'ainsi, avaient été prises les précautions spéciales, Ia cour d'appel, qui n'a pas recherché si les dispositions qu'elle reproche aux constructeurs de n'avoir pas prises auraient suffi à éviter la survenance du dommage, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1792 et 1147 du Code Civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les premières fissures étaient apparues trois mois avant la période de sécheresse, qui n'était pas la cause exclusive des désordres puisque, d'après l'expert, la complexité architecturale de l'édifice, situé sur un terrain " pathogène " connu, présentant une forte aptitude aux variations de volumes en fonction des fluctuations en teneur d'humidité, avait eu pour conséquence une carence en chaînage et, donc, en rigidité ayant entraîné l'incapacité de la structure à pallier, au moyen d'une ossature ayant présenté une forte rigidité, les différences de mouvement du sol d'assise et ayant accentué le sinistre dans la zone comportant des volumes sans plancher intermédiaire, la cour d'appel, qui a retenu que les constructeurs ne pouvaient justifier que l'état de sécheresse avait constitué pour eux une cause d'exonération qui leur soit étrangère, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal. pris en sa seconde branche. et le quatrième moyen du pourvoi provoqué, réunis :
Attendu que M. X..., la MAF, le BET Soneco et le GAN font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en garantie dirigée contre la GMF, alors, selon le moyen :
1° que le dommage causé par un phénomène déclaré comme catastrophe naturelle donne lieu à la garantie consentie par l'assureur multirisques du maître de l'ouvrage, lequel est fondé à mettre en oeuvre et à obtenir réparation dans la mesure où cette circonstance a causé ou aggravé son dommage ; qu'à défaut, le constructeur, qui a indemnisé ce dommage, est fondé dans son action en garantie contre l'assureur multirisques du maître de l'ouvrage par l'effet même de la condamnation dont il fait l'objet envers celui-ci ; qu'en prenant motif de ce que ces circonstances ne permettaient pas de considérer comme fautif, au regard des articles 1382 et suivants du Code civil, le refus de prise en charge du sinistre par la GMF, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1251, 1382, 1147 et 1792 du Code civil, L. 125-1 du Code des assurances ;
2° que l'assureur multirisques doit garantir les effets des catastrophes naturelles, c'est-à-dire les dommages matériels directs ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel ; qu'en écartant la garantie de la Garantie mutuelle des fonctionnaires au motif que la sécheresse n'était que " l'une des causes des désordres ", sans rechercher si cette sécheresse n'avait pas été la cause déterminante des dommages subis par M. Y..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 125-1, alinéa 3, du Code des assurances ;
3° que I'assureur multirisques doit une garantie partielle lorsque les dommages proviennent de diverses causes dont une catastrophe naturelle ; qu'en toute hypothèse, en écartant toute garantie de la Garantie mutuelle des fonctionnaires dès lors que la sécheresse n'était que " l'une des causes des désordres ", quand elle devait en déduire que cet assureur devait, à tout le moins, une garantie partielle, la cour d'appel a violé l'article L. 125-1, alinéa 3, du Code des assurances ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que la sécheresse n'avait été que l'une des causes des désordres, que les dommages étaient apparus avant sa survenance et auraient pu être prévenus par une conception adaptée de l'ouvrage, la cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la garantie de la GMF au titre de la catastrophe naturelle, au sens de l'article L. 125-1 du Code des assurances, qui dispose que le sinistre n'est pris en charge que si les mesures habituelles de précaution n'ont pu être prises ou ont été insuffisantes à prévenir les dommages, n'avait pas lieu d'être retenue et que ces circonstances ne permettaient pas de considérer comme fautif au regard de l'article 1382 du Code civil son refus de prise en charge ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi provoqué :
Attendu que le BET Soneco et le GAN font grief à l'arrêt d'accueillir la demande dirigée contre eux, alors, selon le moyen :
1° que, dans ses rapports avec le maître d'ouvrage, le sous-traitant n'est responsable que de sa faute délictuelle ou quasi délictuelle ; qu'en retenant la responsabilité de la société Soneco, sous-traitant de M. Z..., entrepreneur, pour n'avoir pas attiré l'attention soit de l'architecte, soit de ce dernier " sur les risques d'une construction en plusieurs volumes sur un terrain pathogène ", ou pour avoir omis de " vérifier dans quel projet de construction s'inscrivait sa mission et de donner des conseils ou faire des réserves sur l'absence d'étude préalable du terrain ", tout en relevant que la société Soneco n'avait été chargée que " d'établir les plans de béton armé et de définir les caractéristiques des fondations ", et ce en qualité de sous-traitante de M. Z..., ce dont il résultait que cette société n'avait pas à s'inquiéter des caractéristiques du sol en l'absence de toute mise en garde par l'architecte ou l'entrepreneur, qui eux, seuls, devaient se préoccuper de l'état du sol, la cour d'appel a vioIé l'article 1382 du Code civil ;
2° qu'un phénomène naturel irrésistible est constitutif d'un cas de force majeure ; qu'en toute hypothèse, en excluant que la sécheresse qui avait sévi dans le département de la Vienne entre les mois de mai 1989 et décembre 1990, qui avait provoqué des mouvements de terrain dus à la sensibilité du sol argileux et entraîné le constat de l'état de catastrophe naturelle, puisse constituer un cas de force majeure dès lors que l'expert avait relevé que les constructeurs ne s'étaient pas inquiétés des caractéristiques du sol, sans rechercher en quoi les dommages auraient pu être évités si les constructeurs s'étaient préoccupés de la nature du sol, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le BET Soneco, chargé d'établir les plans de béton armé et de définir les caractéristiques des fondations, avait omis de vérifier le projet de construction dans lequel s'inscrivait sa mission, d'attirer, après avoir ou non vérifié le fond des fouilles avant que les fondations ne soient coulées, ce qu'il aurait dû faire, l'attention soit de l'architecte soit de M. Z..., qui lui avait confié sa mission, sur les risques de cette construction en plusieurs volumes sur un terrain " pathogène ", de donner des conseils ou de faire des réserves sur l'absence d'étude préalable du terrain et retenu que la sécheresse n'était que l'une des causes des désordres apparus antérieurement et ayant pu être prévenus par une conception adaptée de l'ouvrage, la cour d'appel a pu en déduire que le BET Soneco avait commis une faute ayant concouru à la réalisation des dommages, la sécheresse ne pouvant constituer un cas de force majeure exonératoire de sa responsabilité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième et le troisième moyens du pourvoi provoqué, réunis :
Attendu que le premier moyen du pourvoi provoqué étant rejeté, les griefs tirés d'une cassation par voie de conséquence de l'absence de faute du BET Soneco ou de l'existence d'un cas de force majeure sont devenus sans portée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.