Donne défaut contre M. Y..., liquidateur judiciaire de Mlle Christiane X... ;
Attendu que, par acte notarié du 3 janvier 1978, M. René X... a donné à ses deux filles, Hélène et Christiane, un tènement immobilier situé à Jarrie (38560) ; que l'acte prévoyait " à titre de clause aléatoire, que la première mourante d'entre elles, sans postérité, serait considérée comme n'ayant jamais eu un droit à la propriété de cet ensemble immobilier, lequel appartiendra en totalité à la survivante, sur la tête de laquelle ladite propriété sera censée avoir toujours reposé depuis le jour de la présente donation, la présente clause conférant ainsi à chacune des demoiselles Hélène et Christiane X... la propriété du tènement tout entier, à compter de ce jour, et sous condition résolutoire de son prédécès sans postérité, en vertu de la rétroactivité de la condition, celle d'entre elles qui survivra étant censée détenir directement et dès l'origine ses droits de M. X..., donateur " ; que le 24 mars 1993, le Crédit lyonnais a fait délivrer aux donataires un commandement aux fins de saisie immobilière du bien donné pour obtenir le recouvrement d'une créance de 213 711 francs à l'encontre de Mlle Christiane X... et de 48 808 francs à l'encontre de Mlle Hélène X... ; que le 9 avril 1993, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel leur a notifié un commandement aux mêmes fins pour obtenir le remboursement d'un prêt de 170 000 francs consenti à Mlle Christiane X..., dont sa soeur s'était portée caution solidaire ; que Mlle Christiane X... ayant été déclarée en liquidation judiciaire le 22 décembre 1993 et le liquidateur n'ayant pas entrepris la liquidation du bien litigieux dans le délai prescrit par l'article 161 de la loi du 25 janvier 1985, le tribunal de grande instance de Grenoble a prorogé les effets des commandements délivrés, après avoir déclaré la clause précitée inopposable aux créanciers ; que joignant les appels interjetés, l'arrêt attaqué a confirmé les deux jugements entrepris, en retenant que cette clause avait pour effet d'entraîner l'inaliénabilité du bien litigieux dans des conditions contraires aux dispositions de l'article 900-1 du Code civil ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 900-1 du Code civil ;
Attendu que les clauses d'inaliénabilité affectant un bien donné ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime ;
Attendu que pour décider que la clause insérée à l'acte de donation du 3 janvier 1978 ne remplissait pas la première de ces conditions, l'arrêt attaqué retient qu'elle interdit toute aliénation pendant toute la vie de l'une ou l'autre des gratifiées ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la clause de tontine, prenant fin au décès du prémourant, a, par là même, un caractère temporaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur la seconde branche :
Vu l'article 900-1 du Code civil ;
Attendu que pour décider que la clause litigieuse ne remplissait pas la seconde condition de validité prévue par ce texte, l'arrêt attaqué retient qu'elle pourrait avoir pour effet d'éviter que les créanciers des donataires ne puissent obtenir paiement de leurs dettes ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi au regard des effets de la clause, sans rechercher si elle n'était pas justifiée par un intérêt sérieux et légitime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 janvier 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.