AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société civile immobilière (SCI) FFAT, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 octobre 1999 par la cour d'appel de Paris (6e chambre, section B), au profit de la société Eurodisney, SCA, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 janvier 2002, où étaient présents : M. Weber, président, M. Dupertuys, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Toitot, Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Philippot, Assié, Mme Gabet, conseillers, M. Betoulle, Mme Nési, M. Jacques, conseillers référendaires, M. Cédras, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Dupertuys, conseiller, les observations de Me Ricard, avocat de la SCI FFAT, de Me Guinard, avocat de la société Eurodisney, les conclusions de M. Cédras, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 1999), que la société civile immobilière FFAT (la SCI) a donné en location, le 31 octobre 1991 un appartement à la société Eurodisney ; qu'après le départ de celle-ci, la SCI l'a assignée en réparation des désordres survenus dans les lieux à la suite d'une fuite d'eau ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de partager par moitié la responsabilité du sinistre et de limiter la condamnation de la société Eurodisney à la moitié du montant des réparations, alors, selon le moyen, que ce n'est qu'à condition de respecter le principe du contradictoire que le juge peut prendre en considération un fait qui n'a pas été spécialement invoqué par les parties au soutien de leurs prétentions ;
que pour partager par moitié la responsabilité du sinistre, entre la SCI et la société Eurodisney, la cour d'appel a retenu que si les constatations de l'expert établissent que la fuite du raccordement sur la machine à laver du locataire en est la cause première, celui-ci a été aggravé par les mauvais matériaux du sol constitué d'aggloméré spongieux ; qu'en relevant d'office ce moyen qui appelait, pour le moins, les explications des parties, la cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, devant laquelle la société Eurodisney soutenait que le sinistre ne lui était pas imputable, a, sans violer, le principe de la contradiction, prononcé un partage de responsabilité en se fondant sur le rapport d'expertise qui était dans le débat ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que le chef de décision ayant condamné la société Eurodisney à payer à la SCI une somme à titre des réparations locatives, déduction faite du montant du dépôt de garantie, sans que la demande en ait été faite, pouvant être rectifiée dans les conditions prévues aux articles 463 et 464 du nouveau Code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1730 du Code civil ;
Attendu que s'il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure ;
Attendu que pour limiter au mois de décembre 1992 les sommes dues au titre de la perte des loyers et des préjudices annexes, l'arrêt retient, d'une part, que la SCI a choisi de poursuivre d'abord l'entrepreneur et qu'elle n'a pas fait exécuter les travaux en raison de son absence de moyens, d'autre part, que la société locataire n'a pas à supporter les conséquences du manque de trésorerie de la bailleresse ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la charge des travaux de remise en état incombait à la société Eurodisney et que la SCI n'avait pas à faire l'avance de leur coût, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Eurodisney à payer à la SCI FFAT au titre de la perte des loyers, le loyer du mois de décembre 1992, charges et taxes en sus et la somme de 5 000 francs pour le préjudice annexe, l'arrêt rendu le 28 octobre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Eurodisney aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Eurodisney et de la société civile immobilière FFAT ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille deux.