AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Olivier Y..., demeurant ...,
2 / la société Alma, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
en cassation d'une ordonnance de référé rendue le 19 mars 2001 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, au profit :
1 / de la société Développement Agranate Seguy (DAS), société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
2 / de M. Dario X..., demeurant ...,
3 / de la société Holding financière Seguy (HFS), société à responsabilité limitée, dont le siège est Près de Pacques, Le Célémi, 83170 Brignoles,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 mars 2002, où étaient présents : M. Ancel, président, M. Séné, conseiller rapporteur, Mme Borra, M. Etienne, Mmes Bezombes, Foulon, conseillers, Mme Guilguet-Pauthe, conseiller référendaire, Mlle Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Séné, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y... et de la société Alma, de Me Le Prado, avocat de la société Développement Agranate Seguy (DAS), de M. X... et de la société Holding financière Seguy (HFS), les conclusions de M. Joinet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée (Aix-en-Provence, 19 mars 2001), rendue par un premier président, que, dans un litige opposant à M. Y... et à la société Alma, les sociétés Développement Agranate Seguy (DAS), Holding financière Seguy (HFS) et M. X..., qui avaient concédé aux premiers une sous-licence pour l'utilisation de la marque "Le Pétrin Ribeirou" et l'exploitation d'un procédé de panification traditionnelle au moyen d'une société créée pour sa mise en oeuvre, (la société Alma), un jugement, assorti en toutes ses dispositions de l'exécution provisoire, a annulé le contrat de sous-licence aux torts exclusifs des sociétés DAS et HFS, a prononcé la dissolution et constaté la liquidation de la société d'exploitation ; que M. Y... et la société Alma ont demandé au premier président d'arrêter l'exécution provisoire du jugement intervenu en ce qu'il avait prononcé la dissolution de la société ;
que les sociétés DAS et HFS et M. X... ont conclu au rejet de la demande et subsidiairement à l'arrêt de l'exécution provisoire, en toutes les dispositions la comportant ;
Attendu que M. Y... et la société Alma font grief à l'ordonnance d'avoir arrêté l'exécution provisoire en tous les chefs dont le jugement était assorti, alors, selon le moyen :
1 / que le caractère manifestement excessif des conséquences de l'exécution provisoire ordonnée ne doit être apprécié qu'au regard de la situation du débiteur compte tenu de ses facultés et des facultés de remboursement de la partie adverse ; qu'en appréciant les conséquences d'un maintien partiel de l'exécution provisoire au regard de la situation de tiers non parties à l'instance au motif qu'une disparité pourrait survenir entre la situation de ces tiers, les licenciés non dissidents, et celle des licenciés dissidents, le premier président a violé l'article 524 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la nullité d'un contrat a pour effet d'anéantir entièrement l'acte juridique ; que, cependant, le premier président a considéré que le maintien de l'exécution provisoire du jugement en ce qu'il prononçait la nullité d'un contrat de sous-licence serait de nature à instaurer une disparité déloyale entre les licenciés dissidents et ceux qui ne le sont pas, les premiers étant dispensés de payer des redevances que les seconds continueraient à verser ; qu'en statuant ainsi, alors que la nullité du contrat de sous-licence entraîne la disparition du paiement des redevances mais aussi en contrepartie la perte du droit d'exploiter la licence, ce qui ne peut créer aucune disparité entre des professionnels se trouvant soumis à des situations juridiques totalement différentes, le premier président a violé les articles 1108 du Code civil et 524 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que seul le chef de dispositif du jugement dont l'exécution serait de nature à emporter des conséquences manifestement excessives peut être suspendu ; qu'en se fondant, pour arrêter l'exécution provisoire relative à la nullité du contrat de sous-licence, sur le lien juridique établi par les premiers juges entre la nullité du contrat et la dissolution de la société sans caractériser l'indivisibilité, au regard de leur exécution, de ces chefs de dispositif, le premier président a violé l'article 524 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé le lien de dépendance nécessaire entre l'annulation du contrat de sous-licence et la dissolution entraînant la liquidation de la société créée pour son exploitation, le premier président a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que l'exécution provisoire de la liquidation prononcée entraînerait la perte de l'outil de travail, avec des conséquences irréversibles ; que, par ces seuls motifs, il a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... et la société Alma aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Développement Agranate Seguy (DAS), de M. X... et de la société Holding financière Seguy (HFS) ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille deux.