AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Soprema, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 26 janvier 2000 par la cour d'appel de Metz (audience solennelle), au profit :
1 / de la société SALM, société anonyme, dont le siège est ...,
2 / de Mme Antonia Y..., épouse X..., demeurant ...,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 23 mai 2002, où étaient présents : Mlle Fossereau, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Lardet, conseiller rapporteur, MM. Chemin, Villien, Cachelot, Martin, Mme Gabet, conseillers, Mmes Fossaert-Sabatier, Boulanger, Nési, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lardet, conseiller, les observations de Me Ricard, avocat de la société Soprema, de Me Thouin-Palat, avocat de la société SALM et de Mme X..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 26 janvier 2000), rendu sur renvoi après cassation (CIV. 3e, 10 avril 1996, n° 707 D), que M. Y..., exerçant sous l'enseigne des établissements Cuisines Schmidt, ayant, par contrat du 9 décembre 1974, commandé à la société Soprema la fourniture et la pose d'une couverture pour ses bâtiments industriels, a, après réception au début de l'année 1975, assigné le 3 juillet 1981 cette société en réparation de désordres d'étanchéité ; que, par un arrêt du 27 janvier 1984 devenu irrévocable, la cour d'appel de Colmar a dit l'action dirigée par M. Y... contre la société Soprema prescrite sur le fondement de la mauvaise qualité des matériaux mais recevable sur d'autres fondements et notamment des vices de conception ou des manquements au devoir de conseil et renvoyé les parties devant le Tribunal ; que dans le cours de l'instance d'appel, la société Soprema a intimé les établissements Cuisines Schmidt, agissant en la personne de M. Y... ; que M. Y... étant décédé, Mme X... et la société SALM sont intervenues volontairement ;
Attendu que la société Soprema fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes de Mme X... et de la société SALM, alors, selon le moyen :
1 / que l'autorité de la chose jugée ne peut avoir lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Colmar, dans son arrêt devenu définitif du 27 janvier 1984, n'a eu à connaître que de la prescription de l'action, selon le fondement alors invoqué, et nullement de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir du demandeur, laquelle n'a été découverte et invoquée que postérieurement ; qu'ainsi l'arrêt attaqué a violé l'article 1351 du Code civil ;
2 / que le défaut de qualité pour agir est une fin de non-recevoir qui peut être invoquée en tout état de cause ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il était soutenu, par acte de donation-partage du 29 septembre 1977, Mme X... a acquis le fonds de commerce de feu M. Y... et ce dernier s'est fait radier du registre du commerce de Colmar le 3 mars 1978, Mme X... s'étant elle-même inscrite au registre du commerce comme propriétaire du dit fonds de commerce, en conséquence, à la date de l'introduction de la demande, le 3 juillet 1981, par M. Hubert Y..., celui-ci n'avait plus qualité pour agir en tant que propriétaire des établissements Cuisines Schmidt, de sorte que le délai de garantie décennale qui a commencé à courir en mars 1975 n'a pas été interrompu par une action non recevable ; qu'en passant outre à la fin de non-recevoir ainsi invoquée, la cour d'appel a violé l'article 122 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que saisie d'une demande de la société Soprema tendant à faire prononcer l'irrecevabilité de l'action de M. Y... en se fondant sur le défaut de qualité de ce dernier pour agir en justice et ayant constaté que l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 27 janvier 1984 devenu "définitif", avait déclaré cette action recevable en ce qu'elle ne reposait pas sur la mauvaise qualité des matériaux ou des défauts de montage, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la question de la recevabilité tranchée par cet arrêt ayant autorité de la chose jugée ne pouvait plus être remise en cause ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant retenu que l'erreur de conception consistant dans la pose de bacs servant de support au complexe étanche sur une charpente à pente nulle avait concouru, au même titre que l'erreur d'exécution dans la pose de l'isolant thermique, à la réalisation de l'entier dommage, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée par des motifs alternatifs et hypothétiques, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Soprema aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Soprema à payer à la société SALM et à Mme X..., ensemble, la somme de 1 900 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par Mlle Fossereau, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-six juin deux mille deux.