LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
L'Etablissement français du sang (EFS), venant aux droits du Centre de transfusion sanguine et de biogénétique de Brest et du GIP Etablissement de transfusion sanguine de Bretagne occidentale a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
II-Sur le pourvoi n° D 00-16.126 formé par la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL),
en cassation du même arrêt en ce qu'il est rendu au profit :
1 / de la société Assurances générales de France (AGF), venant aux droits de la compagnie Préservatrice foncière IARD,
2 / de Mlle Anne X...,
3 / de Mlle Véronique X...,
4 / de M. René X...,
5 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Nord,
6 / de l'Etat français, représenté par l'agent judiciaire du Trésor public,
7 / de l'Etablissement français du sang (EFS), venant aux droits de l'Etablissement de transfusion sanguine de Bretagne occidentale,
8 / de l'Etablissement français du sang (EFS), venant aux droits du Centre de transfusion sanguine et de biogénétique,
9 / de M. Edgard Y...,
10 / de la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole (CRAMA) de Bretagne-Groupama,
défendeurs à la cassation ;
La société Assurances générales de France, venant aux droits de la compagnie Préservatrice foncière IARD, sollicite sa mise hors de cause ;
M. Y... et la CRAMA de Bretagne-Groupama, demandeurs au pourvoi principal n° B 00-15.848, invoquent à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
L'Etablissement français du sang, demandeur au pourvoi incident élevé sur le pourvoi n° B 00-15.848, invoque à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Joint les pourvois n° B 00-15.848 et D 00-16.126, qui sont connexes ;
Met hors de cause la société des AGF ;
Attendu que René X... a été victime, le 3 février 1986, d'un accident de la circulation impliquant le véhicule de M. Y..., assuré auprès de la SAMDA, aux droits de laquelle figure aujourd'hui la Caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Groupama (CRAMA) ;
qu'un arrêt du 21 novembre 1989, passé en force de chose jugée, a condamné M. Y... et son assureur à indemniser René X... à concurrence d'un tiers, les deux autres tiers restant à la charge de celui-ci ; que, contaminé par le virus de l'hépatite C et estimant que cette contamination était la conséquence des transfusions sanguines dont il avait été l'objet à la suite des blessures causées par l'accident, René X..., ultérieurement décédé, a assigné M. Y..., la SAMDA, l'agent judiciaire du Trésor et le Centre de transfusion sanguine et de biogénétique (CTS)- devenu l'Etablissement de transfusion sanguine de Bretagne occidentale, aux droits duquel se trouve aujourd'hui l'Etablissement français du sang (EFS)- qui a demandé la garantie de ses assureurs successifs, la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) et la Préservatrice foncière IARD, aux droits de laquelle vient la société Assurances générales de France (AGF) ; que Mme X..., aujourd'hui décédée, et Mlles Anne et Véronique X..., ont demandé réparation de leur préjudice ; que l'arrêt attaqué a retenu la responsabilité du CTS et l'a condamné à réparer, ainsi que son assureur, la SMACL, in solidum avec M. Y... et la CRAMA, les dommages ainsi causés ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident élevé par l'EFS sur le pourvoi n° B 00-15. 848, formé par M. Y... et la CRAMA, qui est préalable :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir admis la responsabilité du CTS, alors, selon le moyen :
1 / qu'en retenant que la contamination était imputable aux transfusions par des motifs impropres à caractériser des présomptions graves, précises et concordantes de ce que les cinq plasmas frais congelés pour lesquels l'enquête épidémiologique n'avait pu être effectuée auraient entraîné la contamination de René X..., la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
2 / qu'en ne répondant pas au moyen dont il résultait que les seuls plasmas congelés dont la traçabilité n'avait pu être établie n'avaient pas été fournis par le CTS, la cour d'appel aurait entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu'en ne s'expliquant pas sur les présomptions précises invoquées par le CTS selon lesquelles, notamment, l'existence d'une co-contamination par les virus de l'hépatite B et C révélait que la contamination n'était pas d'origine transfusionnelle et que l'hospitalisation prolongée de René X..., polytraumatisé, avait pu donner lieu à une contamination nosocomiale, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1151 du Code civil ;
Mais attendu que, lorsqu'une personne démontre, d'une part, que la contamination virale dont elle est atteinte est survenue à la suite de transfusions sanguines, d'autre part, qu'elle ne présente aucun mode de contamination qui lui soit propre, il appartient au centre de transfusion sanguine dont la responsabilité est recherchée, de prouver que les produits qu'il a fournis étaient exempts de tout vice ; que l'arrêt constate, d'abord, que l'enquête épidémiologique a été négative pour différents dérivés sanguins reçus par René X... lors de son hospitalisation, mais que cette enquête n'a pas pu être faite pour cinq plasmas frais congelés dont les donneurs n'ont pu être identifiés, étant d'ailleurs observé que ces lots pouvaient être rattachés au CTS qui avait le monopole de la conservation et de la diffusion du sang et qui était le fournisseur du centre hospitalier concerné ; qu'il énonce, ensuite, que, selon l'expert, d'une part, avant l'accident, René X... présentait un taux de gamma GT normal, qu'il ne consommait pas d'alcool, ne se droguait pas, n'avait jamais subi de transfusion sanguine et n'avait suivi aucun traitement de mésothérapie ou d'acupuncture, et que, d'autre part, aucune pathologie ni aucun facteur de risque ne permettait de prévoir, pour ce sujet, une hépatite C dont les premiers symptômes étaient apparus dans un délai de neuf à dix mois après transfusion, délai qui constitue " un délai licite de contamination " par le virus considéré ; que l'arrêt ajoute, enfin, que les arguments à caractère strictement médical invoqués par le CTS ou la SMACL en faveur d'une non-contamination par voie transfusionnelle, qui ont été pris en compte par l'expert, n'ont pas permis d'écarter la quasi-certitude de l'origine transfusionnelle de l'hépatite C en l'absence d'autre donnée objective permettant de supposer l'existence d'un autre mode de contamination ; que, par ces motifs, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions invoquées devant elle, a légalement justifié sa décision au regard des textes visés par le moyen, qui n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° B 00-15.848, pris en ses deux branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu, d'abord que, la question de la responsabilité de M. Y... à l'égard des consorts X... était dans le débat, ne serait-ce que parce que la SMACL avait conclu, en cas de responsabilité du CTS, à un partage de responsabilité avec M. Y... et son assureur ; qu'ensuite, la cour d'appel ayant-après avoir exactement énoncé que dès lors que plusieurs causes ont participé successivement à un même dommage et qu'elles en ont été les conditions nécessaires, toutes en sont les causes-relevé que l'accident de la circulation que M. Y... et son assureur ont été condamnés à indemniser à concurrence d'un tiers constituait une des causes nécessaires des transfusions, c'est à bon droit qu'elle a retenu la responsabilité de M. Y... ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° D 00-16.125, pris en ses quatre branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu que les divers griefs du moyen sont sans fondement dès lors que la cour d'appel a constaté que le contrat d'assurance passé en 1977 ne comportait pas, dans ses conditions générales ou particulières, la limitation de garantie alléguée par l'assureur ; qu'il ne peut donc être accueilli ;
Mais, sur le second moyen du pourvoi incident élevé par l'EFS sur le pourvoi n° B 00-15.848, formé par M. Y... et la CRAMA :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner le CTS, avec la SMACL, in solidum avec M. Y... et la CRAMA à indemniser les consorts X... de leur entier préjudice, l'arrêt énonce que, dès lors que plusieurs causes ont participé successivement à un même dommage et qu'elles en ont été les conditions nécessaires, toutes en sont les causes ;
que l'accident de la circulation que M. Y... et son assureur ont été condamnés à indemniser à concurrence du tiers constitue une des causes nécessaires des transfusions et de létat de santé de René X... ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'EFS qui avait fait valoir, après avoir rappelé le partage de la responsabilité de l'accident entre M. X... et M. Y..., que si la cour devait considérer que la contamination avait une origine transfusionnelle, elle devrait également considérer qu'il existe un lien de causalité entre cette transfusion et l'accident dont a été victime René X..., de sorte que les responsabilités seraient partagées entre l'EFS et les responsables de l'accident, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le second moyen du pourvoi n° B 00-15.848, ni davantage sur le second moyen du pourvoi n° D 00-16.125 :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives au partage des responsabilités et à la répartition de la charge définitive de la réparation des dommages invoqués par les consorts X..., l'arrêt rendu le 15 mars 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille deux.