LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 6 novembre 2000), que Mme X... a fait notifier à M. Y... un projet de vente portant sur l'ensemble d'une propriété agricole dont elle est propriétaire ; que M. Y... a déclaré exercer son droit de préemption sur les 14 hectares, 63 ares et 8 centiares pour lesquels il est titulaire d'un bail à ferme, ainsi que sur deux parcelles E 126 et G 75 sur lesquelles il a prétendu être titulaire d'un bail verbal et, subsidiairement, vouloir exercer son droit de préemption sur l'ensemble de la propriété ; que Mme X... s'y est opposée ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande portant sur les parcelles cadastrées E 126 et G 75, alors, selon le moyen :
1 / que conformément à l'article L. 411-1 du Code rural, la mise à disposition de terres aux fins d'exploitation constitue un contrat soumis au statut du fermage dès lors qu'est constatée l'existence d'une contrepartie à la mise à la disposition des terres ; que la cour d'appel qui, pour refuser à M. Y... d'exercer son droit de préemption sur les parcelles E 126 et G 75 s'est bornée à retenir l'existence d'une convention annuelle de prêt à usage et le défaut tant de paiement d'un fermage que d'actes d'exploitation mais qui s'est abstenue de rechercher, comme elle y était invitée par M. Y... dans ses conclusions, s'appuyant elles-mêmes sur les conclusions du rapport d'expertise, si, par l'effet d'un accord exprimant la volonté réelle des parties, M. Y... n'avait pas régulièrement exploité ces parcelles depuis 1992 et si le fermage réclamé par Mme X..., conformément au bail formé avec M. Y..., n'intégrait pas ce qui était dû par celui-ci en contrepartie de l'exploitation de ces parcelles, a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
2 / que M. Y... ayant établi en s'appuyant sur les conclusions du rapport d'expertise que les parcelles E 126 et G 75 étaient régulièrement exploitées, la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer qu'il ne justifiait pas d'actes d'exploitation réguliers et durables ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu que M. Y... ne justifiait pas d'un paiement régulier d'un fermage portant sur l'ensemble des deux parcelles ni même d'actes d'exploitation réguliers et durables, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, répondant aux conclusions, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 412-1 du Code rural, ensemble l'article L. 412-6 du même Code ;
Attendu que le propriétaire bailleur d'un fonds de terre ou d'un bien rural qui décide ou est contraint de l'aliéner à titre onéreux ne peut procéder à cette aliénation qu'en tenant compte d'un droit de préemption au bénéfice de l'exploitant preneur en place ;
Attendu que pour rejeter la demande de préemption de l'ensemble de la propriété, l'arrêt retient que M. Y... n'apporte aucun élément tendant à accréditer son affirmation selon laquelle les parcelles affermées et préemptées constitueraient un tout indivisible avec le surplus de l'exploitation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations qu'il avait été notifié à M. Y... un projet de vente portant sur l'ensemble de la propriété et que le preneur avait fait connaître qu'il entendait exercer, à titre subsidiaire, son droit de préemption sur cet ensemble, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Y... de sa demande de revendication d'un droit de préemption sur la totalité des parcelles faisant l'objet du compromis de vente passé entre Mme X... et les époux Z..., l'arrêt rendu le 6 novembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne, ensemble, Mme X... et les époux Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de Mme X... et des époux Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille deux.