AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 938 et 939 du Code civil ;
Attendu que lorsqu'il y aura donation de biens susceptibles d'hypothèques, la publication des actes contenant la donation et l'acceptation, ainsi que la modification de l'acceptation qui aurait eu lieu par acte séparé, devra être faite aux bureaux des hypothèques dans l'arrondissement desquels les biens sont situés ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 9 septembre 1999), que, par acte notarié en date du 28 novembre 1988, M. et Mme Albert X... ont fait donation entre vifs à leur fils, Jean-Claude X..., de la nue-propriété de divers biens immobiliers ;
que l'acte stipulait que "le donataire sera propriétaire de l'immeuble à compter de ce jour mais il n'en aura la jouissance qu'à compter du décès du survivant de M. et Mme X... déclare faire donation à son épouse de l'usufruit ainsi réservé... Par suite, l'usufruit donné appartiendra d'abord à M. X... sa vie durant, à son décès il sera immédiatement réversible sur la tête et au profit de son épouse si elle lui survit" ; que M. Albert X... est décédé en 1994 et que, le 11 juillet 1998, la banque Tarneaud a fait saisir au préjudice de M. Jean-claude X... divers immeubles objet de la donation ;
Attendu que pour valider la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel a retenu qu'en l'état des actes la seule personne titulaire de droits opposables à la banque Tarneaud sur les immeubles saisis était M. Jean-Claude X... et qu'en vertu des articles 28.3 et 29 du décret du 4 janvier 1955, Elisa Y..., veuve X..., était tenue, après le décès d'Albert X..., de faire établir et publier une attestation notariée en vue de faire constater la transmission à son profit de l'usufruit des immeubles faisant l'objet de la donation du 28 novembre 1988 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la clause de réversion d'usufruit contenue dans un acte de donation s'analyse en une donation à terme de biens présents, le droit d'usufruit du bénéficiaire lui étant définitivement acquis dès le jour de l'acte et que seul l'exercice de ce droit d'usufruit s'en trouve différé au décès du donataire, et que la donation du 28 novembre 1988 a été régulièrement publiée à la Conservation des hypothèques le 17 janvier 1989 ; qu'en imposant la publication d'une attestation notariée au décès de M. Albert X... comme condition de l'opposabilité de l'usufruit de Mme X... aux tiers, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 septembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne la banque Tarneaud aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la banque Tarneaud à payer à M. X... la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la banque Tarneaud ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille deux.