AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 janvier 2000), que, par arrêté du 26 juin 1995, le maire de Pornic a ordonné à Mme Yvonne X... d'interrompre les travaux d'aménagement de l'établissement l'"Oasis" destinés à transformer en salle de restaurant avec jeux des locaux qu'elle occupait à bail ; que, par un second arrêté, du 17 août 1995, la même autorité a interdit l'ouverture au public des lieux, les travaux ayant été poursuivis entre temps ; que le 17 novembre 1995, la commission de sécurité de l'arrondissement de Saint-Nazaire a émis un avis favorable à la création par l'intéressée du restaurant projeté sous réserve d'un certain nombre de prescriptions ;
que, par requête du 5 juillet 1996, la commune a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la fermeture immédiate des locaux ; que, par décision du 1er août 1996, le juge des référés a rejeté cette demande, au motif que la mesure sollicitée, n'ayant pas un caractère conservatoire, ne pouvait être ordonnée par lui ; que, par acte du 6 septembre 1996, la commune a assigné Mme X... devant le président du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire statuant en référé aux fins de fermeture de l'établissement, sous astreinte ; que, par ordonnance du 10 décembre 1996, le juge des référés a fait droit à cette demande ; que, par une seconde ordonnance, du 24 juin 1997, la même juridiction a déclaré recevable la tierce opposition formée par la société Bar club loisirs culture (BCLC) nouvelle exploitante de l'établissement, gérée par Céline X..., fille de la précédente exploitante, rejeté l'exception d'incompétence de la juridiction judiciaire soulevée par la société, et confirmé la décision de fermeture de l'établissement, sous astreinte ;
Attendu que la société BCLC et Mme Yvonne X... font grief à l'arrêt d'avoir confirmé ces deux ordonnances alors, selon le moyen, d'une part, que la compétence du juge des référés est restreinte aux litiges dont la connaissance appartient quant au fond aux tribunaux civils ; que ne relève pas de la compétence judiciaire l'action d'une commune, qui n'a pas la qualité de tiers par rapport aux décisions qui relèvent de sa compétence en matière d'urbanisme, fondée sur le non-respect des prescriptions d'une telle décision ou sur le fait que celle-ci n'a pas été sollicitée ; que, dès lors, en l'espèce, en statuant en référé sur une demande en cessation d'un trouble manifestement illicite invoqué uniquement par la commune qui n'était pas un tiers par rapport à la réglementation d'urbanisme dont le non-respect aurait constitué ce trouble, ce dont il résultait que cette demande échappait à la compétence du juge judiciaire civil, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs et la loi des 16-24 août 1790 ; alors, d'autre part, que l'article L. 480-2 du Code de l'urbanisme réserve à la juridiction pénale la connaissance des infractions visées par l'article L. 480-4 du même Code, le maire ne pouvant interrompre des travaux que dans l'attente de la décision rendue par cette juridiction ; que, dès lors, en appréciant elle-même la matérialité des infractions visées dans les arrêtés pris par le maire de la commune de Pornic les 26 juin et 17 août 1995, sans que la juridiction pénale ait caractérisé ces infractions, la cour d'appel, excédant les pouvoirs que le juge civil des référés tient de l'article 809 du nouveau Code de procédure civile, a violé ce texte ; alors, enfin, et très subsidiairement que, l'ordonnance de référé étant une décision provisoire, la cour d'appel a encore excédé les pouvoirs qu'elle tient de l'article 809 du nouveau Code de procédure civile et violé ce texte en confirmant les ordonnances qui avaient ordonné la fermeture de l'établissement litigieux sans fixer un terme certain à cette mesure ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui s'est reconnue à bon droit compétente, dès lors que la connaissance du litige relevait au fond du juge répressif, lequel appartient au même ordre de juridiction, n'a pas excédé les limites de cette compétence, en constatant l'existence d'un trouble illicite, ce qui impliquait la vérification de la conformité des travaux aux règles d'urbanisme, ni en s'abstenant de préciser la date à laquelle prendrait fin la fermeture ordonnée, cette date ne pouvant être que celle de l'obtention du permis régularisant la situation des locaux ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bar club loisirs culture et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Bar club loisirs culture et Mme X... à payer à la commune de Pornic la somme globale de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille deux.