AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 janvier 2001), que M. X... a, par acte du 18 mars 1997, notifié à M. Y..., preneur à bail de locaux à usage commercial, un congé avec offre de renouvellement pour le 1er octobre 1997, moyennant un loyer annuel hors taxes de 480 000 francs ; que, par acte du 21 mars 1997, M. Y... a donné congé au bailleur pour le 30 septembre 1997 "en raison d'un loyer proposé excessif", puis, par acte du 28 mars 1997 "annulant et remplaçant le précédent", il a accepté le principe du renouvellement, n'entendant discuter que le montant du nouveau loyer ; que le bailleur ayant fait délivrer au preneur une sommation de quitter les lieux, les époux Y... l'ont fait assigner aux fins de voir constater la nullité du congé du 21 mars 1997, au motif qu'il avait été délivré par le mari seul ;
Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de dire que le congé du 21 mars 1997 a mis fin au bail, que M. Y... est occupant sans droit ni titre depuis le 1er octobre 1997, alors, selon le moyen :
1 / que le droit au renouvellement du bail, d'ordre public, a pour but de préserver le fonds exploité par le locataire dans les lieux loués ; qu'aux termes de l'acte extrajudiciaire du 28 mars 1997, celui-ci avait pour objet d'annuler et remplacer le précédent acte en date du 21 mars 1997 par lequel M. Y... avait par erreur délivré congé à M. X... ; que la volonté de M. Y... était ainsi de préserver l'exploitation de son fonds ; qu'en décidant néanmoins que le congé du 21 mars 1997 avait mis fin au bail conclu entre MM. X... et Y..., la cour d'appel a violé les articles L. 145-8 et suivants du Code de commerce, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
2 / que la délivrance d'un congé mettant fin à un bail commercial entraîne la disparition du fonds de commerce exploité dans les lieux loués ; qu'en cas d'exploitation d'un fonds de commerce dépendant de la communauté, l'époux locataire ne peut mettre fin au bail sans le consentement de son conjoint ; qu'ainsi en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait, après avoir constaté que le fonds de commerce était un bien commun, décider que le congé délivré par M. Y... seul était valable ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 145-14 du Code de commerce, ensemble les articles 1424 et 1427 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant souverainement retenu qu'il était manifeste que, par le second acte du 28 mars 1997, M. Y... avait entendu se rétracter, nonobstant toutes tentatives d'explication de son revirement qui se révélaient inopérantes, et relevé que M. X... n'avait jamais expressément renoncé à se prévaloir du congé qui lui avait été délivré le 21 mars 1997, la cour d'appel a pu en déduire qu'il était vainement prétendu que le congé avait été donné par erreur ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, après avoir relevé que le fonds de commerce exploité dans les lieux loués était réputé acquêt de la communauté, a fait une exacte application des articles 1421 et suivants du Code civil en retenant que M. Y..., qui exerçait la profession de garagiste indépendamment de son épouse, avait pu valablement donner seul congé au bailleur dès lors que la résiliation d'un bail commercial ne pouvait être assimilée à une aliénation de fonds de commerce pour laquelle le concours de l'épouse est requis ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les époux Y... à payer à M. X... la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille deux.