AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 13 avril 1999), que la Chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux, (CCIB) a, par lettre du 22 janvier 1994, chargé M. X...
Y..., ressortissant français résidant en Mauritanie, d'une mission d'assistance technique avec effet du 1er janvier 1994, suite à un appel d'offre international lancé par la République Islamique de Mauritanie pour la gestion de ses aéroports ;
que, par acte du 13 février 1994, a été créée entre l'Etat Mauritanien, la CCIB et divers autres associés, la société anonyme Aéroports de Mauritanie (SAM) ayant pour objet l'aménagement, l'exploitation et l'entretien des aéroports de ce pays ; que, le 15 mars 1994, cette société a conclu avec la CCIB une convention d'assistance technique d'une durée de deux ans à compter du 1er janvier 1994 ; que, par lettre du 28 mars 1994, la CCIB a confirmé à M. X...
Y... son souhait de lui confier des fonctions de chargé de mission d'exploitation au sein des structures d'assistance technique qu'elle devait apporter à la S.A.M. en 1994 et 1995, la lettre précisant la durée de la mission (24 mois à partir du 1er janvier 1994), le montant des honoraires de l'intéressé auxquels s'ajoutait une indemnité de résidence et son rôle auprès du directeur général de la S.A.M. ; que M. X...
Y... n'a pas accepté officiellement cette convention, qui a été normalement exécutée jusqu'au mois d'août 1994 exclusivement ; que, par lettre du 26 juillet 1994, la CCIB a fait savoir à M. X...
Y... que, compte tenu des difficultés qu'elle rencontrait auprès des autorités mauritaniennes, elle ne pouvait, pour ces raisons relevant, selon elle, de la force majeure, poursuivre la "convention de sous-traitance" au-delà du 31 août 1994, que par lettre du 8 août 1994, le destinataire a pris acte de la rupture de son contrat et fait part de son intention de demander réparation du préjudice en résultant ;
Sur le premier moyen pris en ses deux branches :
Attendu que M. X...
Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes à l'égard de la CCIB, alors que :
1 ) d'une part, il ne résulte ni de l'arrêt, ni des productions, que d'une part, la lettre du 26 juillet 1994, que la Chambre de Commerce et d'Industrie de Bordeaux a adressée au Premier Ministre de la République de Mauritanie, pour lui exposer l'impossibilité de poursuivre son assistance technique à défaut de signature et de publication des décrets, portant concession à la Société des aéroports de Mauritanie des deux aéroports principaux de Nouakchott et de Nouadhibou et autorisation de perception par la même Société des redevances aéroportuaires, et d'autre part l'extrait du journal mauritanien Horizons des 1er et 2 décembre 1994, dans lequel il est mentionné que lors de sa réunion du 30 novembre 1994, le Conseil de Ministres a approuvé le projet de décret portant concession à la Société des aéroports de Mauritanie des aéroports de Nouakchott et de Nouadhibou et mandat de gestion des aéroports secondaires, avaient été régulièrement communiqués ; qu'en se fondant sur ces documents, la cour d'appel a violé les articles 16, 132 et 961 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) d'autre part, le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas, à lui seul reconnaissance de ce fait ; qu'en se fondant sur l'absence de contestation expresse par M. X...
Y... des explications de la Chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux, sur les circonstances de la révocation du mandat pour en déduire sa légitimité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que les pièces sur lesquelles les juges se sont appuyés et dont la production n'a pas donné lieu à incident sont réputées, sauf preuve contraire, avoir été régulièrement versées aux débats ; qu'en l'espèce, les documents postérieurs à l'arrêt invoqués par le demandeur au pourvoi ne sauraient constituer cette preuve contraire ;
Attendu, d'autre part, que le grief fondé sur la constatation par la cour d'appel que M. X...
Y... ne conteste pas les explications de la CCIB est inopérant, dès lors qu'il porte sur un motif surabondant, l'arrêt ajoutant que ces explications sont justifiées par les documents produits ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le second moyen pris en ses trois branches :
Attendu que le demandeur au pourvoi fait encore grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors que :
1 ) d'une part, si le mandat à durée déterminée est révocable, sa rupture anticipée oblige le mandant à indemniser le mandataire, sauf à prouver la faute de celui-ci ; qu'en déboutant, après avoir constaté que la révocation du mandat est intervenue pour des raisons étrangères à sa personne, M. X...
Y... de sa demande en réparation du préjudice subi, à la suite de la révocation anticipée du mandat à durée déterminée qui lui avait été confié, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2004 du Code civil ;
2 ) d'autre part, en déclarant, après avoir constaté que lors de sa réunion du 30 novembre 1994, le Conseil des Ministres a approuvé le projet de décret portant concession à la Société anonyme aéroports de Mauritanie des aéroports de Nouakchott et Nouadhibou et mandat de gestion des aéroports secondaires, que la révocation anticipée le 26 juillet 1994, du mandat à durée détermince donné par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Bordeaux à M. X...
Y... en vue de la mise en place effective de cette société, créée seulement le 13 février précédent, est intervenue pour des raisons légitimes, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 et 2004 du Code civil ;
3 ) à titre subsidiaire, le mandat à durée déterminée donné par la Chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux à M. X...
Y..., ressortissant français résidant en Mauritanie, d'assurer des fonctions de chargé de mission d'exploitation au sein des structures d'assistance technique à la Société Aéroports de Mauritanie créée entre l'Etat Mauritanien, la Chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux et divers autres associés, à la suite d'un appel d'offres international pour la gestion des aéroports de Mauritanie, ayant été conclu dans l'intérêt commun des deux parties, il ne pouvait être révoqué avant son terme par la Chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux pour des motifs non inhérents à la personne de M. X...
Y..., qu'à charge pour elle de réparer le préjudice subi par celui-ci ; qu'en déboutant M. X...
Y... de sa demande, au motif que la rupture était légitime sans rechercher l'existence d'un préjudice causé par la résiliation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 2004 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, a relevé que la révocation du mandat était intervenue pour des motifs légitimes, dès lors que ce mandat n'avait été donné qu'en vue de la mise en place effective de la S.A.M. ; que celle-ci avait été rendue impossible à la date de la révocation, qu'elle ne s'était pas exercée de manière brutale ni vexatoire mais avait été notifiée plus de cinq semaines avant sa date d'effet, que la cour d'appel en a déduit à bon droit que le mandataire ne pouvait prétendre à une indemnité, en l'absence d'abus de droit de la part du mandant ;
Attendu, de deuxième part, que les conditions de la rupture devant être appréciées à la date où celle-ci est intervenue, la cour d'appel n'avait pas à prendre en considération des éléments postérieurs à cette date ;
Attendu, enfin, que M. X...
Y... n'ayant pas invoqué devant les juges du fond le caractère d'intérêt commun du mandat qui lui avait été confié, le moyen, en sa troisième branche est nouveau, mélangé de fait et, comme tel irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE Le pourvoi ;
Condamne M. X...
Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Chambre de commerce et d'industrie de Bordeaux ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille trois.