AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° B 01-16.473 et M 01-16.896 ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° B 01-16.473 :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 2 novembre 2000, n 1999.00981) que les époux X... étaient, en vertu d'un bail du 27 septembre 1980, co-preneurs solidaires de parcelles ZI.35, ZA.81 et ZT.40 appartenant à Mmes Y... et Z... ; que M. X... est décédé le 8 novembre 1995, laissant sa veuve et trois enfants, Régis, Frédéric et Stéphane ; que les bailleresses ont fait délivrer congé pour reprise à Mme X... le 29 mars 1997, puis ont demandé la résiliation du bail pour agissement de nature à compromettre la bonne exploitation des lieux ; que les consorts X... ont assigné Mmes Y... et Z... en nullité du congé, Mme X... demandant en outre l'autorisation de céder son bail à son fils Frédéric ;
Attendu que Mmes Y... et Z... font grief à l'arrêt de dire le congé nul, alors, selon le moyen :
1 ) qu'en cas de décès du preneur le bail rural continue au profit du conjoint, de ses ascendants et descendants, mais seulement s'ils ont participé à l'exploitation au cours des cinq années antérieures au décès ; qu'en décidant qu'au décès de M. Claude X... le bail était passé à son épouse et ses trois enfants, sans rechercher si comme le soutenaient Mmes Y... et Z... dans leurs conclusions d'appel, Mme X... co-preneuse n'était pas devenue seule titulaire du bail des terres qu'elle exploitait avant et après le décès de son mari, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 411-34 du Code rural alinéa 1 ;
2 ) que la notification d'un congé à l'un des co-preneurs solidaire du bail rural est opposable aux autres ; qu'en décidant que le congé délivré à Mme veuve X... co-preneur solidaire du bail avec son époux, était nul et de nul effet faute d'avoir été notifié aux héritiers de son mari décédé, la cour d'appel a violé l'article L. 411-34 du Code rural et les articles 1203 et 1206 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant exactement relevé qu'en l'absence de toute demande des bailleurs dans le délai de 6 mois à compter du décès de M. X..., le droit au bail de ce dernier était passé à sa veuve et à ses trois enfants, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a justement déduit que le congé qui n'avait pas été délivré aux héritiers de M. Claude X... était nul ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° B 01-16.473 :
Attendu que Mmes Y... et Z... font grief à l'arrêt de rejeter la demande de résiliation, alors, selon le moyen :
1 ) que les constats d'huissiers et rapports d'experts non contradictoires établis à la requête du bailleur pour démontrer le mauvais entretien des parcelles cultivées par son fermier, constituent des modes de preuve parfaitement admissibles qu'il appartient aux juges du fond d'examiner après s'être assuré qu'ils ont été librement discutés par les parties ; qu'en décidant que les constats de la SCP d'huissiers Panien et Plichon et le rapport d'expertise d'Antoine Guisnet établis non contradictoirement et sans autorisation étaient sans valeur, sans relever qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'une discussion contradictoire, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1353 du Code civil ;
2 ) qu'un constat contenant des photographies prises sur des terres données à bail rural et un rapport d'expertise établi à partir de ces documents, constituent des éléments de preuve parfaitement licites, dès lors qu'ils ne portent pas atteinte à la vie privée du preneur ou qu'ils n'ont pas été obtenus frauduleusement ; qu'en considérant que les deux constats versés aux débats réalisés en pénétrant dans les parcelles hors la présence du preneur, ainsi que le rapport d'expertise établi à partir de ceux-ci étaient des éléments de preuve nuls et sans valeur, sans s'expliquer sur la cause de cette nullité, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1353 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'il ressortait des énonciations des constats et des photographies annexées que la majeure partie des constatations avait été opérée en pénétrant dans les parcelles, hors la présence des preneurs, sans leur autorisation ni autorisation judiciaire, la cour d'appel, qui a pu en déduire la nullité de ces constatations et de l'expertise effectuée à partir de celle-ci, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° B 01-16.473 et le moyen unique du pourvoi M 01-16.896, réunis :
Vu l'article L. 411-35 du Code rural ;
Attendu que toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, ou, à défaut, du tribunal paritaire des baux ruraux, au profit du conjoint du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ;
Attendu que pour rejeter la demande d'autorisation de cession, l'arrêt retient que le droit au bail de M. X... est passé à sa veuve et à ses trois enfants et que la demande de cession du bail au profit de M. Frédéric X... est dépourvue de toute utilité ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que Mme X... était aux termes du bail du 27 septembre 1980 co-preneuse solidaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande d'autorisation de cession du bail, l'arrêt rendu le 2 novembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille trois.