AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 143-3 du Code rural, ensemble les articles L. 143-2 et R. 143-6 du même Code ;
Attendu qu'à peine de nullité, la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou à plusieurs des objectifs définis à l'article L. 143-2 du Code rural et préciser en quoi la préemption répond à l'un ou plusieurs de ces objectifs ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 6 juin 2001) que Mme X... mettant en vente quatre parcelles dont elle est propriétaire, la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) de Champagne-Ardenne a exercé son droit de préemption ; que les époux Y..., acquéreurs évincés, l'ont assignée en nullité de la décision de préemption ;
Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que les deux objectifs précisément énoncés -l'installation des agriculteurs et l'agrandissement des exploitations existantes- sont des objectifs par nature contradictoires, de sorte que leur visa cumulatif relève davantage de la volonté de viser pêle-mêle certains objectifs dans les termes généraux de la loi, dans le seul but de répondre formellement aux exigences légales, que de la poursuite d'un véritable projet défini à l'avance à soumettre aux candidatures ultérieures, et que la référence à l'installation d'un jeune agriculteur, "à côté de" l'exploitation familiale sauf candidat mieux-disant qui se révèlerait lors de la publicité légale, n'est pas suffisamment concrète ni précise pour constituer une motivation permettant le contrôle de la finalité de la préemption ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la SAFER peut justifier sa décision par référence à un ou plusieurs des objectifs définis par la loi et qu'il suffit que le ou les éventuels bénéficiaires de la rétrocession soient identifiables, la cour d'appel, qui a ajouté aux textes des conditions qu'ils ne comportent pas, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juin 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne, ensemble, les époux Y... et Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux Y... et de Mme Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille trois.