AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche du pourvoi principal et le moyen unique, pris en sa première branche du pourvoi incident, qui sont identiques :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que la société Compagnie foncière Matignon (le maître de l'ouvrage) a confié des travaux de démolition d'un immeuble dont elle était propriétaire à la société Sotrapmeca-Bonardy (l'entrepreneur) assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) ; que le contrat liant le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur stipulait que "la responsabilité de l'entrepreneur était engagée, à l'exclusion de celle du maître de l'ouvrage, au cas de désordres occasionnés par les travaux aux biens, meubles et immeubles de toute nature" et que "l'entrepreneur devait garantir le maître de l'ouvrage des réclamations ou recours de toute nature dirigés contre lui en raison des dommages causés par les travaux" ; qu'à la suite de désordres causés à l'appartement qu'il occupait dans un immeuble voisin, M. de X... a obtenu la condamnation in solidum du maître de l'ouvrage et de l'entrepreneur à l'indemniser "sans qu'il soit nécessaire de caractériser la faute de ce dernier" ; qu'eu égard aux dispositions contractuelles précitées, l'arrêt a également condamné l'entrepreneur à garantir le maître de l'ouvrage des condamnations mises à sa charge ;
Attendu que pour débouter l'entrepreneur de sa demande en° garantie contre son assureur, la cour d'appel a d'abord constaté que l'article 3 des conditions générales de la police souscrite auprès de la SMABTP garantissait les conséquences pécuniaires de la responsabilité que pouvait encourir le sociétaire en raison des dommages matériels et immatériels causés aux tiers dans l'exercice des activités professionnelles d'entrepreneur, la garantie s'appliquant à tous les risques sans autre condition ou limite que celles précisées aux articles 4 et 5 ; que la cour d'appel a, ensuite, relevé qu'étaient exclues aux termes de l'article 5-18 des conditions générales les charges acceptées par le sociétaire et qui, en l'absence desdites dispositions spéciales, ne lui incomberaient pas en vertu des dispositions légales ; que l'arrêt retient en conséquence "qu'en l'absence de faute prouvée de la part de la société Sotrapmeca... et compte tenu de l'exclusion de garantie susénoncée, la SMABTP est fondée à dénier sa garantie" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'entrepreneur, auteur de travaux à l'origine des dommages, est responsable de plein droit des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage constatés dans le fonds voisin, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application de la police ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de garantie formulée par la société Sotrapmeca et par la Compagnie foncière Matignon, à l'encontre de la SMABTP, l'arrêt rendu le 17 juin 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille trois.