NON-LIEU A STATUER et REJET des recours formés par le procureur général près la cour d'appel de Douai, l'agent judiciaire du Trésor, contre la décision du premier président de ladite cour, en date du 16 septembre 2002, qui a alloué à M. Mickaël X... une somme de 152 449 euros sur le fondement de l'article 149 précité et en ce qui concerne l'agent judiciaire du Trésor, contre la décision du 10 septembre 2001 qui a renvoyé l'affaire à une audience ultérieure.
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Vu la décision de la Commission nationale en date du 12 avril 2002 déclarant irrecevables les recours du procureur général de la cour d'appel de Douai et de l'agent judiciaire du Trésor contre la décision de ladite cour d'appel du 10 septembre 2001 ;
Attendu que, par décision du 16 septembre 2002, le premier président de la cour d'appel de Douai a alloué à M. Mickaël X... une somme de 152 449 euros en réparation du préjudice moral subi en raison d'une détention provisoire effectuée du 9 août 1994 au 29 décembre 1998, soit pendant quatre ans, quatre mois et vingt jours ;
Que le procureur général de ladite cour d'appel a formé un recours contre cette décision, tendant à voir déclarer irrecevable la requête de M. Mickaël X... ;
Que l'agent judiciaire du Trésor a, lui aussi, formé un recours contre cette décision, aux mêmes fins et subsidiairement pour demander la réduction de l'indemnité accordée, ainsi que contre la décision de la cour d'appel de Douai en date du 10 septembre 2001 qui a déclaré la requête de M. Mickaël X... recevable en la forme et renvoyé l'examen de l'affaire à une audience ultérieure ;
I. Sur le recours de l'agent judiciaire du Trésor contre la décision du 10 septembre 2001 :
Attendu que le premier président s'étant prononcé par la décision du 16 septembre 2002 sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête de M. Mickaël X..., est sans objet le recours de l'agent judiciaire du Trésor contre celle du 10 septembre 2001 écartant les conclusions visant à faire décider, par application de l'article R. 36 du Code de procédure pénale, n'y avoir lieu à plus ample instruction et renvoyant l'affaire à une prochaine audience ; qu'il n'y a donc lieu à statuer sur le recours formé contre cette dernière décision ;
II. Sur les recours de l'agent judiciaire du Trésor et du procureur général près la cour d'appel contre la décision du 16 septembre 2002 :
1o Sur la recevabilité de la requête de M. Mickaël X... :
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor soutient, tout d'abord, que la requête est tardive dans la mesure où l'article 149-2 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi du 15 juin 2000, prévoyait que la Commission devait être saisie dans les six mois de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive alors qu'en l'espèce, l'arrêt d'acquittement étant intervenu le 26 novembre 1999, M. Mickaël X... n'a adressé sa requête que le 30 mai 2000 ;
Mais attendu que, susceptible d'un pourvoi en cassation de la part du ministère public, en application de l'article 597 du Code de procédure pénale, dans les cinq jours francs suivant le prononcé de la décision attaquée, l'arrêt d'acquittement n'est devenu définitif qu'à l'expiration de ce délai, soit le 2 décembre 1999 ; qu'est en conséquence recevable la requête déposée par M. Mickaël X... dans les conditions de temps prescrites, calculées à partir de cette dernière date ;
Attendu que les deux requérants soulèvent un autre moyen d'irrecevabilité tiré de ce que ne relève pas des prévisions de l'article 149 du Code de procédure pénale le demandeur mis en examen puis condamné pour un délit connexe au meurtre dont il été acquitté et permettant son placement en détention provisoire ;
Mais attendu que selon l'article 149 du Code de procédure pénale réparation est due à la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que M. Mickaël X..., alors mineur comme étant né le 12 mai 1977, a été mis en examen le 9 août 1994 du chef de crime de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur la personne de Abderhamane Y... et du délit de violences en réunion n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail pendant plus de huit jours sur la personne de Djillali Y..., délit puni, selon l'article 222-13.8° du Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, d'une peine de trois ans d'emprisonnement ; qu'un mandat de dépôt et une ordonnance de placement en détention provisoire ont été délivrés à son encontre le même jour ; que la chambre d'accusation a rendu un arrêt de mise en accusation et de renvoi de M. Mickaël X... pour le meurtre et le délit connexe devant la cour d'assises le 4 octobre 1996, assorti d'une ordonnance de prise de corps décernée contre l'accusé ;
Attendu que l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945, dans sa rédaction alors applicable, prévoyait qu'en matière correctionnelle, lorsque la peine encourue n'était pas supérieure à sept ans d'emprisonnement, le mineur âgé d'au moins seize ans ne pouvait être placé en détention que pour une durée n'excédant pas un mois, éventuellement prolongé d'une période identique ; qu'il s'ensuit que la détention provisoire de plus de quatre années subie par M. Mickaël X..., mineur de seize ans, n'a pu être ordonnée et poursuivie qu'en raison du crime dont il a finalement été acquitté ; qu'il s'ensuit que l'intéressé a droit à réparation du préjudice causé par la détention ;
2o Sur la réparation du préjudice :
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor soutient que le premier président aurait dû prendre en compte, pour apprécier la réparation du préjudice subi, la personnalité du demandeur et la circonstance de sa condamnation pour violences en réunion ;
Mais attendu que, pour accorder à M. Mickaël X... la somme de 152 449 euros, le premier président a retenu que l'intéressé, âgé de dix-sept ans, qui n'avait jamais été incarcéré auparavant, est resté détenu pendant 1 601 jours durant lesquels il a été séparé de sa famille ; que par ces motifs pertinents, et sans avoir à tenir compte de l'implication de l'intéressé dans des faits concomitants à ceux pour lesquels a été décidé son placement en détention provisoire, dont il n'est pas établi qu'ils ont eu une incidence sur la décision, le premier président a fait une exacte d'appréciation du préjudice subi ;
Que le recours doit être rejeté de ce chef ;
Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. Mickaël X... les frais irrépétibles engagés pour les besoins de la présente procédure ; qu'il convient d'évaluer à 2 300 euros la somme due en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs :
DIT n'y avoir lieu de statuer sur le recours formé contre la décision du premier président du 10 septembre 2001 ;
REJETTE les recours formés contre la décision du 16 septembre 2002 ;
ALLOUE à M. Mickaël X... la somme de 2 300 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.