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22/05/2003 | FRANCE | N°01-15311

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 22 mai 2003, 01-15311


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause la société Axa courtage IARD ;

Attendu selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 4 juillet 2001) que le mineur Frédéric X..., confié par un juge des enfants à l'association Le Prado Rhône-Alpes (l'association), assurée par la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (la SMACL), a effectué un stage agricole avec M. Y... ; qu'au volant d'un tracteur, propriété de l'association, qui s'est embourbé, il a, sur les conseils de M. Y..., qui Ã

©tait monté à l'arrière du tracteur, actionné la manette du différentiel, provoquant...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause la société Axa courtage IARD ;

Attendu selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 4 juillet 2001) que le mineur Frédéric X..., confié par un juge des enfants à l'association Le Prado Rhône-Alpes (l'association), assurée par la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (la SMACL), a effectué un stage agricole avec M. Y... ; qu'au volant d'un tracteur, propriété de l'association, qui s'est embourbé, il a, sur les conseils de M. Y..., qui était monté à l'arrière du tracteur, actionné la manette du différentiel, provoquant ainsi une secousse qui a entraîné la chute de M. Y... sous les lames de la déchaumeuse attelée au tracteur ; que M. Y..., blessé, a assigné en réparation l'association et son directeur, M. Z..., M. X..., la SMACL, les sociétés Groupama Rhône-Alpes et Axa courtage, ainsi que la Mutualité sociale agricole de l'Isère ; qu'un jugement a dit que M. Y... avait droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice en application de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 par l'association Le Prado Rhône-Alpes, civilement responsable du conducteur impliqué et gardienne du tracteur, que la SMACL, assureur du tracteur impliqué, devait garantir l'association et indemniser M. Y..., et a condamné in solidum l'association et la SMACL à payer à la victime une provision indemnitaire d'un certain montant, en ordonnant une expertise médicale ;

Sur le premier moyen et la première branche du second moyen, réunis :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif d'avoir accueilli l'action de M. Y... contre l'association Le Prado Rhône-Alpes prise comme propriétaire du tracteur et comme civilement responsable du mineur Frédéric X... et d'avoir condamné la SMACL, assureur du tracteur, à garantir l'association et à payer la provision, alors, selon le moyen :

1 ) que l'assurance obligatoire des agriculteurs contre les accidents de la vie privée, les accidents du travail et les maladies professionnelles interdit à la victime et à ses ayants droit d'exercer un recours complémentaire contre son préposé ou celui qui en est civilement responsable ; qu'en refusant de s'expliquer sur le moyen que la SMACL tirait de l'existence entre M. Y... et M. X..., d'un lien de préposition qui interdisait à l'employeur d'exercer une action en réparation fondée sur le droit commun contre son stagiaire et l'association Le Prado Rhône-Alpes qui en était civilement responsable, la cour d'appel a violé l'article 1234-12 du Code rural ;

2 ) que la qualité de gardien d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation appartient à celui qui en détient l'usage, la direction et le contrôle, peu important qu'il exerce un tel pouvoir momentanément ; qu'en décidant que l'immunité du préposé n'interdisait pas, en tout état de cause, à son employeur de rechercher la responsabilité de l'association Le Prado Rhône-Alpes en sa qualité de gardien du tracteur dont elle était propriétaire, tout en relevant qu'elle n'en avait pas le contrôle et la direction, au moment de l'accident, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

qu'ainsi, elle a violé l'article 2 de la loi du 5 juillet 1985 ;

3 ) qu'en l'état d'un accident de la circulation survenu pendant un cours de conduite, la qualité de conducteur appartient à celui qui contrôle la marche du véhicule, peu important qu'il ne tienne pas les commandes, dès lors que son élève agit sous ses instructions ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que l'accident a été provoqué par la mise en mouvement du différentiel lequel a été enclenché par Frédéric X..., sur les instructions expresses de son maître de stage qui était monté à l'arrière du tracteur pour mieux en contrôler la marche ; qu'en reconnaissant la qualité de conducteur au jeune Frédéric X... pour la seule raison qu'il tenait les commandes du tracteur et qu'il en aurait le contrôle et la direction, bien qu'il ait agi sous les ordres de son maître de stage qui aurait pu lui reprendre le volant à tout moment plutôt que de le laisser aux commandes, la cour d'appel a violé l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;

Mais attendu que par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient que Frédéric X... avait été confié à l'association par un juge des enfants dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert ; que selon l'enquête et les propres déclarations de ce mineur, qui conduisait seul le tracteur, M. Y... qui, lorsque l'engin s'était embourbé, s'était approché puis était monté sur la flèche à l'arrière pour donner des conseils au stagiaire sur la mise en marche du différentiel, et qui ne s'était pas placé aux côtés du conducteur, n'avait alors aucun moyen de direction et de contrôle du tracteur faute de pouvoir accéder aux manettes, au volant et aux pédales ; que Frédéric X..., ayant conservé la maîtrise des instruments de conduite, avait seul la qualité de conducteur lorsqu'il a déclenché le différentiel provoquant la secousse à l'origine de la chute de M. Y..., le fait pour ce dernier de donner au stagiaire des conseils de manoeuvre ou des directives orales ne suffisant pas à lui conférer la qualité de conducteur ou de coconducteur de l'engin ;

que M. Y..., ayant la qualité de passager transporté et n'ayant pas commis de faute inexcusable, avait droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice ; qu'ainsi, sans qu'il soit nécessaire qu'une faute soit établie contre le stagiaire, l'association qui, en vertu de la convention de stage du 1er juillet 1996, conservait la responsabilité de ce mineur dont elle avait la garde au moment de l'accident, devait, en application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, répondre civilement du dommage causé par celui-ci ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, et abstraction faite de motifs surabondants fondés sur la garde de la chose instrument du dommage, la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de preuve soumis au débat, sans être tenue de s'expliquer sur l'existence et les conséquences d'un prétendu rapport de préposition entre la victime et le stagiaire que ses autres énonciations excluaient, a retenu à bon droit que Frédéric X..., disposant seul de la maîtrise des moyens de mise en mouvement du tracteur avait seul la qualité de conducteur du véhicule impliqué dans l'accident et que l'association, chargée par un juge d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de ce mineur, demeurait en application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, responsable de plein droit, y compris au cours du stage, du fait dommageable commis par celui-ci en qualité de conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation ;

D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la seconde branche du second moyen :

Attendu qu'il est fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que la déclaration d'une partie peut seulement être retenue contre elle comme constituant un aveu lorsqu'elle porte sur des points de fait et non de droit ; qu'il s'ensuit que les deux courriers du 4 septembre et du 21 octobre 1966 par lesquels la SMACL a déclaré qu'il lui appartenait d'indemniser pleinement M. Y... qui serait le passager du véhicule conduit par le jeune Frédéric X..., ne peuvent être considérés comme un aveu susceptible d'être opposé à l'assureur, dès lors qu'ils constituent une déclaration de responsabilité portant sur une question de droit, et non sur des points de fait ; qu'en se déterminant cependant en considération de ces deux lettres précitées, la cour d'appel a violé l'article 1354 du Code civil ;

Mais attendu que les motifs critiqués soutenant le chef de condamnation de la SMACL à une amende civile pour appel abusif et non les chefs de disposition de l'arrêt visés par le moyen, le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales, la condamne à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros et à la société Axa courtage IARD la somme de 1 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 01-15311
Date de la décision : 22/05/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Personnes dont on doit répondre - Domaine d'application - Mineur - Mineur en danger - Organisation et contrôle de son mode de vie .

ASSOCIATION - Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle - Personnes dont on doit répondre - Mineur - Mineur en danger - Pouvoir de contrôle et de direction - Portée

MINEUR - Assistance éducative - Intervention du juge des enfants - Mesures d'assistance - Placement - Dommages causés par un mineur placé - Action civile de la victime contre l'association et son assureur

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Victime - Victime autre que le conducteur - Définition - Maître de stage donnant des instructions à un conducteur stagiaire

Un mineur se trouvant en stage agricole avec un employé d'une association, à laquelle il avait été confié par le juge des enfants, et ayant, au cours de ce stage, alors qu'il était au volant d'un tracteur, propriété de l'association, qui s'était embourbé, actionné, sur les conseils de l'employé qui était monté à l'arrière du tracteur, la manette du différentiel, provoquant ainsi une secousse qui avait entraîné la chute de l'employé sous les lames d'une déchaumeuse attelée au tracteur, une cour d'appel, après avoir relevé que le mineur, ayant conservé la maîtrise des instruments de conduite, avait seul la qualité de conducteur lorsqu'il avait déclenché le différentiel provoquant la secousse à l'origine de la chute de la victime, le fait pour celle-ci de donner au stagiaire des conseils de manoeuvre ou des directives orales ne suffisant pas à lui conférer la qualité de conducteur ou de coconducteur de l'engin, que la victime, ayant la qualité de passager transporté et n'ayant pas commis de faute inexcusable, avait droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice, qu'ainsi, sans qu'il fût nécessaire qu'une faute fût établie contre le stagiaire, l'association qui, en vertu d'une convention de stage, avait conservé la responsabilité de ce mineur dont elle avait la garde au moment de l'accident, devait, en application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, répondre civilement du dommage, retient à bon droit, par ces constatations et énonciations, que le mineur, disposant seul de la maîtrise des moyens de mise en mouvement du tracteur, avait seul la qualité de conducteur du véhicule impliqué dans l'accident et que l'association, chargée par un juge d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de ce mineur, demeurait en application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, responsable de plein droit, y compris au cours du stage, du fait dommageable commis par celui-ci en qualité de conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation.


Références :

Code civil 1384, al. 1er

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 04 juillet 2001

A RAPPROCHER : Chambre civile 2, 2003-05-07, Bulletin 2003, II, n° 129 (2), p. 109 (cassation partielle)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 22 mai. 2003, pourvoi n°01-15311, Bull. civ. 2003 II N° 157 p. 133
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 II N° 157 p. 133

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel .
Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: M. Bizot.
Avocat(s) : la SCP Boullez, la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Parmentier et Didier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.15311
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