AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 122 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, avant de passer l'acte de la vente faite par les époux X... d'un immeuble leur appartenant, M. Y..., notaire, a obtenu de la conservation des hypothèques un état hors formalité, certifié à la date du 20 juillet 1989, faisant apparaître une inscription de privilège du vendeur et du prêteur de deniers à hauteur de 100 000 francs, au profit de la Sovac ; que l'acte, signé le 14 octobre 1989, stipulait une transmission à cette date avec jouissance immédiate, le prix de 400 000 francs, étant payé comptant par la comptabilité du notaire ; que celui-ci a, le 20 octobre, désintéressé la Sovac et a remis le solde du prix à M. X... ; que la vente a été publiée le 23 novembre 1989 ; que le notaire a obtenu un nouvel état certifié au 29 novembre 1989 portant à la date du 21 novembre 1989, une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire pour sûreté d'une somme de 260 000 francs au profit du CIC ;
que cet établissement, qui avait assigné M. X... au fond dans les deux mois, a obtenu sa condamnation au paiement de ses soldes débiteurs par jugement du 18 juillet 1990 dont M. X... n'a pas interjeté appel ; que le CIC a fait inscrire son hypothèque définitive le 12 novembre 1990 ; que M. X... ayant été mis en liquidation judiciaire le CIC a déclaré sa créance mais n'a pu la recouvrer ; que, reprochant à M. Y... de s'être dessaisi prématurément des fonds entre les mains du vendeur, le CIC l'a assigné en responsabilité ;
Attendu que pour condamner le notaire à payer une somme à titre de dommages-intérêts au CIC, l'arrêt attaqué retient qu'il n'a pas qualité pour opposer l'irrégularité de l'inscription d'hypothèque judiciaire définitive, prise le 12 novembre 1990, au vu du jugement rendu le 18 juillet 1990, au profit du CIC ayant donné lieu à un certificat de non appel et qu'en se dessaisissant entre les mains du vendeur des fonds correspondant au solde du prix de vente alors que la vente n'était pas publiée, ce notaire a commis une faute ayant compromis l'efficacité de l'inscription d'hypothèque provisoire, conférant au CIC un droit de préférence qu'il n'a pu mettre en oeuvre ;
Attendu qu'en déclarant ainsi irrecevable le moyen de défense tiré par le notaire dans ses conclusions d'appel, de ce que l'inscription définitive de l'hypothèque prise par le CIC était irrégulière, le jugement rendu le 18 juillet 1990 n'ayant pas encore été régulièrement notifié, d'où il résultait que le délai d'appel n'avait pas commencé à courir, que l'inscription provisoire était devenue caduque et que le CIC ne bénéficiait, dès lors, d'aucune sûreté sur l'immeuble, en sorte que le préjudice invoqué était dépourvu de lien de causalité avec la faute commise par le notaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Crédit industriel et commercial aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille trois.