AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 17 avril 2001), que le maire de la commune de Vendres, par arrêté du 9 août 1976, et le préfet de l'Hérault, par arrêté du 2 janvier 1981, ont délivré des permis de construire à la société anonyme du Camping de la Yole sur des terrains appartenant à la société civile d'exploitation du Domaine de la Yole (la SCE) ; que ces arrêtés précisaient que le terrain était intéressé par l'élargissement d'un chemin et que la bande de terrain nécessaire à cette opération devait être cédée gratuitement au domaine public dans les limites fixées par l'article R. 332-15 du Code de l'urbanisme ; qu'en application de cette disposition, la société a, par acte notarié du 27 décembre 1984, cédé gratuitement à la commune la bande de terrain concernée ; que la SCE du Camping de la Yole a obtenu, par arrêté du 21 mai 1991 du maire de Vendres, un nouveau permis de construire, lequel prévoyait la cession gratuite d'une nouvelle bande de terrain, pour élargir le même chemin ; que par jugement du 11 mai 1994, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ce permis, à la demande de la bénéficiaire, au motif qu'il s'agissait d'un chemin rural et non d'une voie publique susceptible de bénéficier des dispositions des articles L. 322-6 et R. 322-15, de sorte qu'une cession de terrain ne pouvait être imposée au bénéficiaire du permis de construire ; que la SCE ayant assigné la commune en nullité de la cession gratuite du terrain du 27 décembre 1984, l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'incompétence de la juridiction judiciaire soulevée par la commune et renvoyé au tribunal administratif de Montpellier la question préjudicielle de la légalité des deux permis de construire litigieux ;
Sur les deux premiers moyens réunis :
Attendu que la commune fait grief à l'arrêt d'avoir écarté l'exception d'incompétence de la juridiction judiciaire soulevée par elle, alors, selon les moyens :
1 / que présente un caractère administratif la cession gratuite de terrains prévue par les articles L. 322-6, L. 322-6-1 et R. 322-15 du Code de l'urbanisme, qui a pour objet l'exécution d'un travail public, dès lors qu'elle a été consentie à une personne publique, en exécution du permis de construire, en vue de l'élargissement d'un chemin destiné à la circulation publique ;
2 / que l'action en responsabilité formée contre une commune du fait de l'illégalité du permis de construire relève de la compétence exclusive des juridictions de l'ordre administratif ;
Mais attendu, d'une part, que la cession gratuite de terrains prévue par les textes précités, si elle constitue un préalable à la réalisation ou à l'amélioration d'un ouvrage public, n'a pas pour objet l'exécution d'un travail public ; que la cour d'appel a jugé à bon droit qu'il s'agissait d'un contrat de droit privé ;
Attendu, d'autre part, qu'il résulte des constatations des juges du fond que l'action intentée par la SCE a pour objet la nullité du contrat de cession et non la mise en jeu de la responsabilité de la commune du fait de l'illégalité des permis de construire ;
D'où il suit que le premier moyen n'est pas fondé et que le second est inopérant ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la commune reproche enfin à l'arrêt attaqué d'avoir sursis à statuer sur la demande de la SCE jusqu'à ce que le juge administratif se soit prononcé sur la légalité du permis de construire après avoir écarté la fin de non-recevoir tirée par elle de la prescription de l'action formée à son encontre, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte de l'article L. 332-30 du Code de l'urbanisme que les taxes et contributions de toute nature obtenues en violation des dispositions de l'article L. 332-6 du Code de l'urbanisme sont réputées sans cause et que les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des prestations fournies sont sujettes à répétition, dans un délai de cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations dûment exigées ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la SCE Domaine de la Yole soutenait qu'elle avait cédé gratuitement à la commune de Vendres une bande de terrain afin d'élargir le champ des Montilles sous la croyance erronée que ce chemin présentait le caractère d'une voie ouverte à la circulation publique pour l'élargissement duquel une cession gratuite pouvait lui être imposée sur le fondement de l'article L. 332-6 du Code de l'urbanisme ; qu'en décidant que la prescription quinquennale de l'action en répétition des prestations indues ne s'appliquerait pas à l'action formée par la SCE Domaine de la Yole afin d'obtenir l'annulation de la cession gratuite de terrains consentie à la commune de Vendres, en exécution du permis de construire, bien qu'elle tende à la restitution des terrains dont la cession lui aurait été imposée en violation des articles L. 322-6, L. 322-6-1 et R. 322-15 du Code de l'urbanisme, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;
2 / que l'apport gratuit d'un terrain figure au nombre des participations additionnelles à la taxe locale d'équipement énumérées par les articles L. 332-6 et L. 322-6-1 du Code de l'urbanisme dont la restitution doit être demandée dans les cinq années de leur obtention par la collectivité publique lorsqu'elles ont été imposées illégalement au bénéficiaire de l'autorisation de construire ; qu'en décidant que la prescription de l'action en répétition des prestations indues ne s'appliquerait qu'aux participations financières ou aux réalisations d'équipements propres mis à la charge du bénéficiaire de l'autorisation de construire, à l'exclusion des cessions gratuites de terrains prévues à l'article L. 332-6-1 du Code de l'urbanisme auquel l'article L. 332-6 du même Code renvoie, la cour d'appel a violé l'article L. 332-30 du Code de l'urbanisme ;
Mais attendu que, par motifs adoptés, la cour d'appel a jugé à bon droit que l'action engagée, qui tendait à la nullité d'un contrat de cession gratuite d'un terrain, ne constituait pas une action en répétition visée par les dispositions de l'article L. 332-6 du Code de l'urbanisme, dès lors que cette dernière action ne s'applique qu'en cas de participations financières ou de réalisations d'équipements propres mises à la charge du bénéficiaire de l'autorisation de construire ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune de Vendres aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la commune de Vendres et la condamne à payer à la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Domaine de la Yole la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille quatre.