AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 29, 32 et 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que dans les instances civiles en réparation des délits prévus par la loi du 29 juillet 1881, constitue un acte de poursuite interruptif de la prescription, au sens de l'article 65 de ladite loi, tout acte de la procédure par lequel le demandeur manifeste à son adversaire l'intention de continuer l'action engagée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, les productions et les pièces de la procédure, que s'estimant diffamés par certains passages d'un livre de M. X..., intitulé "Un génocide secret d'Etat", publié en mars 1998 par la société Les Editions sociales, la société Le Monde, M. Y... et M. Z... ont fait assigner, le 27 avril 1998, l'auteur et l'éditeur de cet ouvrage en réparation de leur préjudice, sur le fondement de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'un tribunal de grande instance les a déboutés de leur demande le 10 mai 1999 ; qu'ils ont interjeté appel de cette décision le 8 juin 1999 ;
Attendu que pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action en diffamation, l'arrêt retient que les appelants, après leurs conclusions du 6 août 1999, n'ont signifié d'autres écritures que le 29 novembre suivant, soit au-delà du délai de trois mois imposé par l'article 65 de la loi sur la liberté de la presse ; qu'ils ne peuvent avec pertinence conférer à la communication de pièces par bordereau qu'ils invoquent un effet interruptif, dans la mesure où rien ne permet de déterminer avec certitude la date de la transmission à l'avoué des intimés de ce document sur lequel figure seulement la date d'émission, soit le 4 novembre 1999, aucune précision quant au jour de la réception n'étant apportée ; que l'action en diffamation est en conséquence atteinte par la prescription, et comme telle irrecevable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la communication d'une pièce, valablement attestée par la signature de l'avoué destinataire apposée sur un bordereau, est réputée faite à la seule date figurant sur cet acte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... et la société Les Editions sociales aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Les Editions sociales ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille quatre.