AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 décembre 2001), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ. 9 décembre 1999, Bull. n° 187) qu'un film intitulé "Les Voleurs d'organes", réalisé par Mme X... et Mme Le Y..., qui avait été présenté au public le 12 mai 1994, diffusé par la chaîne de télévision Planète pendant la semaine du 19 au 25 septembre 1994, et par la chaîne de télévision M6 le 8 janvier 1995, a fait l'objet d'une nouvelle diffusion sur la chaîne Planète les 30 juin et 1er juillet 1995 ; que s'estimant diffamés par cette rediffusion, l'Institut Z... de A... (l'Institut), et José Z...
B... ont fait assigner en réparation de leur préjudice, devant le tribunal de grande instance de Paris, par actes des 16, 18, 22 et 24 août 1995, la société Capa Press, producteur du film, les réalisateurs du film, ainsi que la société Planète Câble ; que le tribunal a déclaré irrecevable l'action de José Z...
B..., et débouté l'Institut de ses demandes ; que José Z...
B... étant décédé, son action en diffamation a été reprise par sa veuve, Mme Inès Z... ; que la Cour de Cassation a censuré l'arrêt qui avait fait droit à l'exception de nullité de l'assignation présentée pour la première fois devant la cour d'appel, sur le fondement de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ; que devant la Cour de renvoi, la société Planète Câble et la société Capa Press ont excipé de la prescription acquise selon elles avant l'arrêt cassé, plus de trois mois s'étant écoulés entre les conclusions notifiées le 24 février 1997 et le lundi 26 mai 1997 par l'Institut et par José Z...
B... ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche qui est préalable :
Attendu que l'Institut et Mme Z... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la fin de non-recevoir prise de la prescription, alors selon le moyen que le délai raisonnable prévu par l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales interdit de soulever pour la première fois devant la Cour de renvoi une fin de non-recevoir née d'un événement que la partie concernée pouvait soulever en connaissance de cause dans l'instance d'appel ayant donné lieu à l'arrêt cassé sur lequel il appartenait en tout état de cause à la précédente cour d'appel de statuer expressément ;
qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ensemble les articles 112 du nouveau Code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 123 du nouveau Code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt ;
Et attendu qu'il ne résulte d'aucune énonciation ni d'aucunes conclusions que l'Institut et Mme Z... aient contesté la recevabilité de la fin de non-recevoir relative à la procédure antérieure à l'arrêt cassé ; que le moyen est nouveau ; qu'en ce qu'il se réfère à l'article 112 du nouveau Code de procédure civile, il est inopérant ; qu'en ce qu'il vise l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il est mélangé de fait et de droit, et comme tel, irrecevable ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que l'Institut et Mme Z... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré leur action en diffamation prescrite, alors, selon le moyen, que en matière de presse, l'interruption du délai de prescription au cours d'une instance régulièrement ouverte a lieu conformément aux règles régissant les actes de procédure par lesquels l'interruption est matérialisée ; d'où il suit qu'un délai expirant un jour férié est prorogé au premier jour ouvrable suivant en vertu tant de l'article 642 du nouveau Code de procédure civile que de l'article 801 du Code de procédure pénale auxquels ne fait pas exception l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé la combinaison de ces textes ;
Mais attendu que le délai de prescription de l'action en diffamation, dont l'écoulement a pour effet d'ôter aux faits poursuivis tout caractère délictueux, ne constitue pas un délai prévu pour l'accomplissement d'un acte ou d'une formalité au sens de l'article 801 du Code de procédure pénale ;
Et attendu que l'arrêt retient à bon droit que plus de 3 mois s'étaient écoulés entre le 24 février 1997 et le lundi 26 mai 1997, dates de notification de conclusions des appelants, partie poursuivante, qu'entre ces deux dates aucun acte interruptif de prescription n'était intervenu, que le délai de prescription édicté par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 se décomptant de quantième à quantième, les dispositions de l'article 642 du nouveau Code de procédure civile étaient sans application, de sorte que la prescription était acquise, et que l'arrêt de la Cour de Cassation était sans incidence sur la validité de ce moyen nouveau tiré de la prescription ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... et l'Institut Z... de A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de Mme Z... et de l'Institut Z... de A... d'une part, de la société Capa Press, de Mmes Le Y... et X... de deuxième part, de la société Métropole Télévision M6 de troisième part, de la société Planète Câble de quatrième part ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quatre.