AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 18 octobre 2001), rendu sur renvoi après cassation (chambre sociale, 12 octobre 2000, pourvoi n° U 98-21.983), que la société nationale GIAT Industries, à qui ont été transférés les droits, biens et obligations attachés aux activités des établissements industriels de la direction des armements terrestres constituant le Groupement industriel des armements terrestres, a appliqué, pour son centre de Tarbes, les taux des cotisations réduits du régime des fonctionnaires et ouvriers de l'Etat aux rémunérations des anciens ouvriers sous statut desdits établissements qui, s'étant prononcés pour leur recrutement par cette société, ont demandé à être placés sous un régime défini, d'une part, par un décret leur assurant le maintien des droits et garanties de leur ancien statut et, d'autre part, par le droit du travail pour les autres éléments de leur situation ; qu'à la suite d'un contrôle, l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Hautes-Pyrénées (URSSAF) a notifié à la société nationale GIAT Industries un redressement fondé sur l'application des taux du régime général de sécurité sociale ;
Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt d'avoir annulé le redressement qu'elle a notifié le 16 novembre 1993 à la société nationale GIAT Industries, alors, selon le moyen :
1 / que les "ouvriers sous décret" ayant cessé, à la suite du changement de la nature juridique de leur employeur, d'être employés par un établissement industriel de l'Etat pour devenir salariés de la société GIAT Industries selon un contrat de travail de droit privé, se sont trouvés, dès leur recrutement par cette société, affiliés au régime général de la sécurité sociale, avec l'obligation corrélative pour l'employeur de cotiser aux taux de ce régime, cette affiliation découlant de la loi n'étant nullement incompatible avec l'obligation impartie à l'employeur de leur assurer le même salaire net que celui perçu antérieurement, de telle sorte que la cour d'appel a violé l'article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale, l'article 6 b de la loi n° 89-924 du 23 décembre 1989 autorisant le transfert à une société nationale des établissements industriels et commerciaux dépendant du Groupement industriel des armements terrestres et le décret n° 90-582 du 9 juillet 1990 pris pour son application ;
2 / que le silence gardé par l'URSSAF lors du règlement des cotisations en 1991 et 1992, soit pendant deux ans, en l'absence de tout contrôle, ne caractérise pas une décision implicite de sa part, prise en connaissance de cause, autorisant la société GIAT Industries à cotiser sur des taux réduits, et ne pouvait davantage valoir renonciation de sa part à opérer, lors du contrôle effectué au cours du premier semestre 1993, à la suite de l'intervention de l'ACOSS en janvier 1993, le redressement litigieux, et qu'ainsi la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que, par application de l'article 6 b de la loi du 23 décembre 1989, le maintien des droits et garanties de leur ancien statut aux "ouvriers sous décret" concerne la protection sociale ; que la cour d'appel a exactement décidé que l'application immédiate du taux des cotisations du régime général de la sécurité sociale à ces salariés était impossible avant le décret du 9 mai 1995 relatif à la protection sociale des intéressés ; qu'elle en a déduit, à bon droit, que l'employeur avait été fondé à appliquer le taux de cotisation réduit des fonctionnaires et ouvriers de l'Etat jusqu'à l'entrée en vigueur de ce décret et en conséquence a annulé le redressement notifié par l'URSSAF ;
D'où il suit qu'abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la seconde branche du moyen celui-ci n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) des Hautes-Pyrénées aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l'URSSAF des Hautes-Pyrénées à verser à la société nationale GIAT Industries la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, siégeant en Assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du six février deux mille quatre.
LE CONSEILLER RAPPORTEUR LE PREMIER PRESIDENT
LE GREFFIER EN CHEF
Moyen produit par Me Delvolvé, avocat aux Conseils pour l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) des Hautes-Pyrénées.
MOYEN ANNEXE à l'arrêt n° 509 P (ASSEMBLEE PLENIERE)
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la mise en demeure notifiée à la société GIAT INDUSTRIES par l'URSSAF des HAUTES-PYRENEES le 16 novembre 1993
AUX MOTIFS QU'il résultait de l'article 1er du décret du 9 mai 1995 qu'il modifiait le système antérieur de couverture des risques et mettait à la charge du régime général les prestations en espèces du régime maladie et le risque accident du travail tout en laissant à la charge de l'employeur la garantie du maintien du salaire ; que si, comme le soutenait l'URSSAF, le décret du 9 mai 1995 n'avait eu que pour objet de confirmer l'affiliation des ouvriers sous décret au régime général, on comprendrait mal son utilité sachant que la loi de transfert de compétences avait déjà fait l'objet d'un décret d'application en date du 9 juillet 1990, précisant que les ouvriers sous décret conservaient le bénéfice des dispositions qui leur étaient précédemment applicables en ce qui concernait notamment la structure de leur rémunération ; que ce transfert de charges était accompagné d'une subrogation expresse de l'employeur dans les droits des salariés, ce qui démontrait que la subrogation de plein droit prévue par les articles R. 323-11 et R. 433-12 du Code de la sécurité sociale ne s'appliquait pas antérieurement ; que dès lors, l'obligation faite à la société GIAT INDUSTRIES par le décret du 9 juillet 1990 et jusqu'à l'application du décret du 9 mai 1995, de maintenir les droits des salariés selon le système antérieurement en vigueur s'opposait à ce qu'elle soit tenue de cotiser pour l'indemnisation des risques qu'elle assumait elle-même et que cette société était fondée à appliquer les taux réduits jusqu'à cette date ; qu'à supposer que la loi du 23 décembre 1989 et son décret d'application n'aient pas imposé spécialement l'obligation à la société GIAT INDUSTRIES de déroger aux prescriptions de l'article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale, le maintien des droits acquis des ouvriers sous décret qui avaient fait le choix de ce statut en fonction des garanties offertes par la loi, s'opposait à ce que la structure de leur rémunération se trouvât modifiée du fait du changement d'employeur ; que d'ailleurs, le prélèvement d'une cotisation plus élevée sur les rémunérations des salariés aurait constitué une violation du principe du maintien des salaires, affirmé de façon péremptoire par la loi portant transfert de compétences, et que les cotisations salariales supplémentaires ne pouvaient être prises en charge par l'employeur sans générer un avantage lui-même soumis à cotisation, situation que l'article 4 du décret du 9 mai 1995 et la circulaire d'application ont eu pour objet de régler pour l'avenir ; qu'enfin, le silence gardé par l'URSSAF lors du règlement des cotisations constituait de sa part une décision implicite sur l'application des textes en la matière, compte tenu notamment de l'intervention de l'ACOSS et du silence gardé en toute connaissance de cause pendant plusieurs années.
ALORS QUE, D'UNE PART, les ouvriers "sous décret" ayant cessé, à la suite du changement de la nature juridique de leur employeur, d'être employés par un établissement industriel de l'Etat pour devenir salariés de la société GIAT INDUSTRIES selon un contrat de travail de droit privé, se sont trouvés, dès leur recrutement par cette société, affiliés au régime général de la sécurité sociale, avec l'obligation corrélative pour l'employeur de cotiser aux taux de ce régime, cette affiliation découlant de la loi n'étant nullement incompatible avec l'obligation impartie à l'employeur de leur assurer le même salaire net que celui perçu antérieurement, de telle sorte que la cour d'appel a violé l'article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale, l'article 6b de la loi n° 89.924 du 23 décembre 1989 autorisant le transfert à une société nationale des établissements industriels et commerciaux dépendant du Groupement industriel des armements terrestres, et le décret n° 90-582 du 9 juillet 1990 pris pour son application,
ALORS QUE, D'AUTRE PART, le silence gardé par l'URSSAF lors du règlement des cotisations en 1991 et 1992, soit pendant deux ans, en l'absence de tout contrôle, ne caractérise pas une décision implicite de sa part, prise en connaissance de cause, autorisant la société GIAT INDUSTRIES à cotiser sur des taux réduits, et ne pouvait davantage valoir renonciation de sa part à opérer, lors du contrôle effectué au cours du premier semestre 1993, à la suite de l'intervention de l'ACOSS en janvier 1993, le redressement litigieux, et qu'ainsi la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale.
LE GREFFIER EN CHEF