AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1415 du Code civil ;
Attendu, selon ce texte, que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres ;
Attendu que, pour rejeter la demande de Mme X... épouse Y..., tendant à la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par le Crédit agricole de Savoie, en exécution d'un acte de cautionnement contracté par M. Y... sans le consentement exprès de son épouse, la cour d'appel retient que la saisie-attribution, qui a été pratiquée sur un compte joint ayant vocation à recevoir non seulement les fruits des biens communs, mais également les revenus de l'un ou l'autre des époux, est, en conséquence parfaitement valable ; que Mme Y... ne prouve pas que la somme de 44 750 francs, saisie le 17 février 2000, provient exclusivement de fonds insaisissables ; qu'elle ne démontre pas davantage que le chèque de 50 000 francs tiré sur le compte d'un tiers à l'ordre de M. Y... constituait un prêt que cette personne lui aurait personnellement accordé ; que Mme Y... ne peut prétendre à un cantonnement autre que celui prévu par les articles 48 et 49 du décret du 31 juillet 1992 ;
Attendu, cependant, que le cantonnement prévu par l'article 1414, alinéa 2, du Code civil, qui protège les gains et salaires d'un époux commun en biens contre les créanciers de son conjoint, n'est pas applicable en cas de saisie, sur le fondement de l'article 1415 qui protège la communauté, d'un compte bancaire alimenté par les revenus des époux ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir relevé que le compte, objet de la saisie, était alimenté par les fruits des biens communs ainsi que par les revenus des époux et qu'il n'était pas établi que le solde créditeur saisi provenait des seuls revenus du mari, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la Caisse régionale du crédit agricole mutuel des Savoie aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse régionale du crédit agricole mutuel des Savoie ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille quatre.