AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la société Clément, devenue Frans Maas Nord transports internationaux (société Frans Maas), a souscrit auprès de la Caisse industrielle d'assurance mutuelle (CIAM) un contrat d'assurance de responsabilité civile pour son activité de commissionnaire de transport, excluant l'activité d'entrepositaire de marchandises ; que, chargée par les sociétés Frenkel et Marc X... d'organiser, pour leur compte, le transport d'une livraison de pulls et gilets de laine en provenance de l'Ile Maurice, elle a fait transporter la marchandise, qui devait être entreposée sous douane dans l'attente de la commercialisation pour la saison d'hiver débutant en septembre, dans des entrepôts appartenant à une société tierce ; que cette marchandise ayant été volée, la société Frans Maas a, en sa qualité de commissionnaire de transport, été condamnée, par une décision définitive, à indemniser les sociétés propriétaires de leur manque à gagner du fait de la perte de leur marge bénéficiaire et du surcoût de réapprovisionnement, le préjudice purement matériel, correspondant à la valeur de la marchandise, ayant été pris en charge, à raison de 25 % chacun, par les quatre assureurs, dont la CIAM, de la police sur facultés également souscrite par la société Clément ; que l'arrêt attaqué a condamné la CIAM, qui avait refusé sa garantie au motif que le sinistre était survenu dans le cadre de l'activité d'entrepositaire de la société Frans Maas, à payer à celle-ci le montant des réparations allouées aux sociétés Frenkel et Marc X..., dans la limite de la garantie stipulée pour les dommages immatériels consécutifs ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, et le second moyen, réunis, tels que figurant dans le mémoire en demande et reproduits en annexe du présent arrêt :
Attendu que l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, qu'il n'a pas été établi de contrat d'entreposage mais une simple demande de ne pas dédouaner immédiatement, qu'un entreposage peut n'être qu'une simple modalité d'exécution d'un contrat plus général de commission de transport et que les documents produits démontrent clairement que la société Frans Maas a agi en qualité de commissionnaire de transport, l'assureur ne démontrant pas que le contrat de commissionnaire de transport qui, par définition, s'entend de la prise en charge des marchandises jusqu'à leur acheminement au point final, ait été interrompu et remplacé par un contrat d'entrepositaire ;
qu'ainsi, nonobstant le motif surabondant relatif à l'autorité de la chose jugée attachée à la décision qui avait condamné la société Frans Maas en sa qualité de commissionnaire de transport, la cour d'appel, qui, sans dénaturer le contrat, a fait la stricte application de la clause d'exclusion limitée à l'activité d'entrepositaire de marchandises pour retenir le principe de la garantie de la CIAM, a légalement justifié sa décision ; que les moyens ne sont pas fondés ;
Mais, sur le troisième moyen, tel que figurant dans le mémoire en demande et reproduit en annexe du présent arrêt :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour condamner la CIAM à payer la somme de deux millions de francs à la société Frans Maas, l'arrêt retient que l'objet de la réclamation de l'assurée est bien l'indemnisation des dommages immatériels consécutifs, soumis à ce plafonnement ;
Attendu, cependant, que la prise en charge partielle des dommages matériels par la CIAM, à proportion de la répartition entre les co-assureurs de la police sur facultés, était sans incidence sur la qualification des dommages immatériels dont la société Frans Maas réclamait la garantie et qui, en considération des stipulations du seul contrat de responsabilité civile, s'analysent en des dommages immatériels non consécutifs indemnisés dans la limite de un million de francs ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu la loi des parties et, partant, a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la Caisse industrielle d'assurance mutuelle (CIAM) à payer à la société Frans Maas Nord transports internationaux la somme de deux millions de francs et la somme de 60 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'une amende civile de 10 000 francs, l'arrêt rendu le 5 décembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Et statuant à nouveau,
DIT que la Caisse industrielle d'assurance mutuelle (CIAM) est tenue envers la société Frans Maas Nord transports internationaux à concurrence de la somme de 152 449,02 francs, en tant que de besoin, la condamne à payer ladite somme et, en cas d'exécution de l'arrêt cassé, ordonne la restitution qui découle du présent arrêt ;
DEBOUTE la société Frans Maas Nord transports internationaux de sa demande de dommages-intérêts ;
Fait masse des dépens de première instance, d'appel et de l'instance de cassation, qui seront supportés à concurrence de la moitié par chacune des parties ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre février deux mille quatre.