AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, qui est recevable :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 janvier 2002), que, par acte sous seing privé du 20 mars 1995, Mme X... a consenti à M. Y... une vente d'herbe jusqu'au 1er décembre 1995 sur une parcelle de terre exploitée, jusqu'à son décès intervenu le 18 novembre 1994, par son mari, que cette convention a été tacitement reconduite pour la récolte de l'année 1996 ; que par acte authentique du 11 février 1998, Mme X... a vendu à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) Flandres-Artois l'ensemble des parcelles dont elle était devenue seule propriétaire à la mort de son mari, dont la parcelle objet de la vente d'herbe ; que par lettre du 13 mars 1998, M. Y... a saisi le tribunal paritaire de baux ruraux aux fins de voir reconnaître l'existence d'un bail rural à son profit sur la parcelle ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué de le débouter de sa demande, alors, selon le moyen :
1 / que le statut du fermage est applicable à toute cession exclusive des fruits de l'exploitation lorsqu'il appartient à l'acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir, sauf pour le cédant à démontrer que la convention n'a pas été conclue en vue d'une utilisation continue ou répétée et dans l'intention de faire obstacle au statut du fermage ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les parties ont conclu le 20 mars 1995 une convention qualifiée de "vente d'herbe" aux termes de laquelle M. Y... a entretenu la parcelle et recueilli l'herbe pendant deux années successives en contrepartie du versement d'une somme d'argent à Mme X..., propriétaire de la parcelle ; que cette dernière a consenti une vente d'herbe l'année suivante à un autre agriculteur avant de céder sa parcelle le 11 février 1998 à la SAFER ;
qu'en décidant néanmoins que la vente d'herbe consentie à M. Y... n'était pas soumise au statut du fermage pour le débouter de sa demande de dommages et intérêts, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation de l'article L. 411-1 du Code rural ;
2 / que la renonciation ne se présume pas; que pour débouter M. Y... de ses demandes, la cour d'appel a relevé au soutien de sa décision que M. Y... ne s'était pas manifesté en 1997 à la suite de l'absence de renouvellement de la convention conclue avec Mme X... et qu'il avait attendu le 9 mars 1998 pour saisir le tribunal paritaire des baux ruraux de sa demande de dommages et intérêts suite à la vente de la parcelle consentie à la SAFER ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a nullement caractérisé que M. Y... avait manifesté sa volonté claire et non équivoque de renoncer à se prévaloir du statut des baux à ferme, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que par acte sous seing privé Mme X... avait donné la parcelle à M. Y... "pour vente d'herbe" jusqu'au 1er décembre 1995, que Mme X... souhaitait aliéner ce fonds, ce qu'elle avait réalisé dès que possible, et non le faire exploiter, que la circonstance exceptionnelle de la disparition de son conjoint qui exploitait de son vivant les prairies, l'avait contrainte à renouveler tacitement en 1996 la vente d'herbe consentie en 1995 à M. Y... dans l'attente de la vente de ses prairies, que ce contrat avait cessé de façon unilatérale par la volonté de Mme X..., la cour d'appel qui a pu en déduire que cette vente d'herbe n'était pas une opération continue et répétée, et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à Mme X... la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille quatre.