AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 13 mars 2002), que, par une délibération du 18 décembre 1996, la commune de Schiltigheim a décidé de ne plus mettre son domaine chassable en location ; que la Fédération départementale des chasseurs du Bas-Rhin a alors assigné des communes de Schiltigheim, Hoenheim et Bischeim (les communes) afin qu'elles mettent, sous astreinte, en location le droit de chasse sur tous les terrains chassables de leur ban communal ; que les communes se sont opposées à cette demande au motif que la surface du domaine chassable étant devenue inférieure à 200 hectares, elle ne permettait plus de constituer un lot de chasses ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les communes font grief à l'arrêt de déclarer les juridictions judiciaires compétentes, alors, selon le moyen, qu'il appartient à la seule juridiction administrative de juger de la légalité d'une décision prise par une autorité administrative dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ; que la cour d'appel qui n'a pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée par les écritures d'appel des communes, si leurs décisions de ne pas autoriser la chasse sur leur territoire pour des considérations déduites de la sécurité et de la tranquillité publique ne manifestaient pas l'exercice de leurs prérogatives de puissance publique et n'échappaient pas à ce titre à la compétence des juridictions judiciaires pour connaître des litiges relatifs à la location de la chasse en Alsace-Moselle, a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16 et 24 août 1790 ;
Mais attendu qu'ayant exactement relevé, par motifs propres et adoptés, que l'ensemble des opérations d'adjudication du domaine chassable ainsi que tous les actes s'y rattachant devaient être considérés comme des rapports de droit privé, et que l'ensemble du contentieux du droit local de la chasse était dévolu aux juridictions de l'ordre judiciaire et non aux juridictions administratives, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante sur les prérogatives de la puissance publique, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les communes font grief à l'arrêt de les condamner à mettre en oeuvre la procédure de location de la chasse sur leur ban de chasse, alors, selon le moyen, que, dans la mesure même où il interdit de procéder à la division d'un ban de chasse en lots inférieurs à 200 hectares, l'article L. 229-5 du Code rural implique que les communes ne sont pas tenues de procéder à la location du droit de chasse sur leur territoire lorsque les terrains sur lesquels pourrait être pratiquée la chasse y sont inférieurs à cette surface ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé cette disposition, ensemble l'article 2 de la loi du 7 février 1881 ;
Mais attendu que la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, relevé que le respect du seuil de 200 hectares prévu dans le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi du 7 février 1881 conditionnait non pas la location du domaine chassable, mais la création de districts au sein de celui-ci et n'excluait pas la mise en location du ban communal lorsque celui-ci est, en entier, inférieur à 200 hectares ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé de ce chef ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les communes font grief à l'arrêt de les condamner à mettre en oeuvre la procédure de location de la chasse sur leur ban de chasse, alors, selon le moyen, que les dispositions des articles L. 229-1 et suivants du Code rural régissant l'exercice du droit de chasse dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle, méconnaissent l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, considéré tant en lui-même qu'en combinaison avec l'article 14 de la même convention, en ce qu'elles tendent à contraindre, sous des distinctions que ne justifie aucune considération d'intérêt général, les propriétaires des terrains à supporter l'exercice du droit de chasse sur ceux-ci ; que la cour d'appel ne pouvait faire application de ces dispositions, contraires aux engagements internationaux de la France, sans violer les dispositions précitées ;
Mais attendu que la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, sans violer l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relevé que la commune qui était le mandataire légal des propriétaires fonciers de son ressort pour administrer le droit de chasse, avait, en vertu de l'article L. 229-5 du Code rural, devenu l'article L. 429-4 du Code de l'environnement, l'obligation de mettre en location les bans de chasse communaux par adjudication publique ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne, ensemble, les communes de Schiltigheim, de Hoenheim et de Bischeim aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne ensemble les communes de Schiltigheim, de Hoenheim et de Bischeim à payer à l'association Fédération départementale des chasseurs du Bas-Rhin la somme de 1 900 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille quatre.