AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, par acte du 5 décembre 1990, M. X..., huissier de justice à Paris, et Mme Y..., principale clerc, ont constitué une société civile professionnelle titulaire d'un office d'huissiers de justice ; que M. X... a notamment apporté à la société l'exercice en faveur de celle-ci du droit prévu à l'article 91 de le loi du 28 avril 1816 relativement à l'office d'huissier de justice dont il était titulaire, évalué à 5 400 000 francs hors la participation au groupement des huissiers de justice de Paris ; que le capital social de 5 600 000 francs a été attribué en totalité à M. X... et que chacun des associés a bénéficié de 50 parts en industrie ; que, par acte séparé du même jour, M. X... s'est engagé à céder un tiers de ses parts à Mme Y... au prix nominal dans le délai d'un an à compter de la nomination de la SCP ;
que la cession des parts n'ayant pas eu lieu M. X... a sollicité en 1999 la dissolution de la société sur le fondement de l'article 1844-5 du Code civil ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1844-5 du Code civil et 85 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 ;
Attendu qu'en vertu de ces textes, la dissolution d'une société civile professionnelle d'huissiers de justice ne peut être demandée que s'il ne reste qu'un associé unique ;
Attendu que pour faire droit à la demande de dissolution de la société, l'arrêt retient que celle-ci peut être prononcée lorsqu'il existe un seul associé détenteur unique des parts sociales depuis la constitution de la société, nonobstant la présence d'un associé uniquement titulaire de parts d'industrie ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'il co-existait un associé, fut-il titulaire de parts en industrie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles susvisés ;
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 91 de la loi du 24 avril 1816 ;
Attendu que l'apport, par un huissier de justice, à une société civile professionnelle titulaire d'un office, du droit de présentation prévu à l'article 91 de la loi susvisée, inclut toutes les activités qu'il exerçait au sein de cet office à l'exception des activités accessoires définies à l'article 20 du décret du 29 février 1956 ;
Attendu que pour débouter Mme Y... de sa demande de réintégration, dans les comptes de la société, des recettes provenant de l'activité d' huissier-audiencier de M. X..., l'arrêt attaqué, après avoir énoncé que celles-ci constituaient des recettes de la société, retient que l'article 6 des statuts excluant de l'apport de la participation de M. X... au groupement des huissiers de justice de Paris doit s'entendre comme ayant exclu le coassocié des recettes provenant de cette activité ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'activité d'huissier-audiencier ne pouvait être exclue de l'apport du droit de présentation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres branches :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... et la SCP Michel X... et Joëlle Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille quatre.