AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° N 03-11.362 et n° P 03-11.363 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 12 novembre 2002), que la société d'exploitation des spectacles Le Bataclan a procédé courant août 1994 à des travaux auxquels a participé la société Dumez en qualité d'entreprise générale assurée en responsabilité civile et décennale auprès de l'UAP devenue Axa courtage ; qu' aucune réception expresse n'a eu lieu mais que les travaux ont provoqué deux procédures, dont l'une à l'initiative de plusieurs voisins se plaignant de nuisances acoustiques ; que la société Dumez a assigné le 28 mars 2001 au titre de la responsabilité décennale son assureur la société Axa courtage devenue Axa France IARD ;
Attendu que la société Axa fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale, par elle opposée, à son assurée la société Dumez au titre de la police décennale souscrite alors, selon le moyen :
1 ) que la cour d'appel qui a considéré que les assignations en référé des 23 février et 20 avril 1995 délivrées à la société Dumez par la société Bataclan et les riverains de l'établissement n'avaient pu faire courir la prescription biennale prétexte pris de ce que la responsabilité décennale de l'assurée n'avait pas été invoquée, l'assureur ayant d'ailleurs lui-même considéré sa mise en jeu impossible, a violé l'article L. 114-1 du Code des assurances ;
2 ) que la cour d'appel qui a considéré que les parties avaient pu dans la police Bati-Dec consentie par la compagnie Axa aménager le point de départ de la prescription biennale a violé l'article L. 114-1 du Code des assurances ;
3 ) que la cour d'appel qui a considéré que le point de départ de la prescription biennale avait été fixé dans la police Bati-Dec au jour de la réclamation du tiers victime visant expressément la responsabilité décennale de l'assuré les articles 1.8 et 6 de cette police se bornant cependant à définir respectivement le sinistre et l'objet de l'assurance, le premier article précisant d'ailleurs que les dommages visés étaient ceux susceptibles d'entraîner la garantie de l'assureur , les dispositions légales concernant la prescription biennale se trouvant en outre strictement reproduites à l'article 16 de ces mêmes conditions particulières, a dénaturé les termes clairs et précis de la police au mépris des prescriptions de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu d'abord que si, en principe, l'assignation en référé de l'assuré par un tiers, en vue de la nomination d'un expert constitue une action en justice au sens de l'article L. 114-1 du Code des assurances, les parties peuvent sans méconnaître les dispositions d'ordre public de ce texte, conventionnellement définir la notion de recours d'un tiers ;
Et attendu ensuite que l'arrêt retient que l'article 1-8 de la police définissait le sinistre comme Toute réclamation formelle portée à la connaissance de l'assuré relative à la survenance de dommages susceptibles d'entraîner la garantie de l'assureur, que l'objet de l'assurance dans son article 6 prévoyait que : La garantie s'applique au paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué, lorsque la responsabilité de ce dernier est engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code civil à propos de travaux de bâtiment et dans les limites de cette responsabilité et que selon l'article 16 : Toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, interprétant souverainement les clauses ambiguës de la police d'assurance, a pu en déduire, hors de toute dénaturation, que seules les assignations délivrées les 2 et 16 février 2001 à la société Dumez recherchée par les tiers dans le cadre exprès de la responsabilité de l'article 1792 du Code civil, avaient fait courir le délai de la prescription biennale et a exactement retenu que cette prescription n'était pas acquise lorsque le 28 mars 2001, cette société a elle-même assigné son assureur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Axa France IARD à payer à la société Dumez Ile-de-France la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quatre.