AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, d'une part, et l'Assurance invalidité fédérale, d'autre part, ont déclaré s'associer par la voie d'un pourvoi incident au moyen de cassation invoqué par la Caisse d'assurance maladie de Haute-Savoie ;
M. Chappaz, demandeur au pourvoi principal n° V 01-14.259, invoque à l'appui de son pourvoi deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
L'Assurance invalidité fédérale, demanderesse au pourvoi incident n° V 01-14.259, invoque à l'appui de son recours deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, demanderesse au pourvoi incident n° V 01-14.259, invoque à l'appui de son recours trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;
La Caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie, demanderesse au pourvoi principal n° A 01-14.931, invoque à l'appui de son recours un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
L'Assurance invalidité fédérale, demanderesse au pourvoi incident n° A 01-14.931, invoque à l'appui de son recours un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, demanderesse au pourvoi incident n° A 01-14.931, invoque à l'appui de son recours un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 23 mars 2004, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Renard-Payen, conseiller rapporteur, MM. Pluyette, Gridel, Gueudet, Mmes Marais, Pascal, MM. Tay, Rivière, conseillers, Mme Trassoudaine-Verger, M. Chauvin, Mmes Chardonnet, Trapero, Ingall-Montagnier, conseillers référendaires, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n° V 01-14.259 et n° A 01-14.931 ;
Attendu, que M. X..., passager d'un avion appartenant à l'Aéroclub d'Annecy et piloté par M. Y..., s'est écrasé au sol ; que grièvement blessé, il a saisi, le 14 mars 1991, le président du tribunal de grande instance d'Annecy, lequel a ordonné en référé une expertise médicale ainsi qu'une provision ; que les 21, 22 et 28 juillet 1992, la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie et la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNSA) ont fait assigner M. Y..., son assureur la compagnie AGF, l'Aéroclub d'Annecy et son assureur la compagnie AGF MAT devant le tribunal de grande instance d'Annecy pour faire juger que l'Aéroclub était responsable de l'accident en tant que propriétaire de l'avion et civilement responsable de M. Y... et que leurs assureurs respectifs devaient les garantir ; que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... entièrement responsable du préjudice subi par M. X..., confirmé la mise hors de cause de l'Aéroclub et de la société AGF/MAT, et dit que M. Y... et les AGF étaient en droit d'opposer à M. X... la limitation de garantie de 750 000 francs prévue par l'article L. 322-2 du Code de l'Aviation Civile, et fixé le préjudice global de la victime à 864 611,38 francs au titre du préjudice soumis au recours des organismes de sécurité sociale et son préjudice personnel à 130 000 francs ;
Sur le pourvoi principal n° V 01-14.259 de M. X..., le pourvoi incident de l'Assurance invalidité fédérale (AIF), pris chacun en leurs deux moyens et leurs diverses branches et le pourvoi incident de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, pris en ses deux premiers moyens en leurs diverses branches, tels qu'ils sont énoncés aux mémoires en demande et annexés au présent arrêt :
Attendu que les demandeurs à ces pourvois font grief à l'arrêt d'avoir dit que le responsable de l'accident et son assureur pouvaient opposer à la victime la limite de responsabilité prévue par la convention de Varsovie et fixée par la loi à 750 000 francs ;
Attendu, d'abord, que les juridictions n'ont pas le pouvoir d'écarter l'application d'un texte législatif pour non-conformité à la Constitution ; que, contrairement à ce qu'énonce le deuxième grief, le principe de réparation intégrale est étranger au respect de l'intégrité de la personne humaine garanti par les articles 2 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, étant observé, de surcroît, que le régime juridique applicable aux victimes est légitimement différent selon le mode de transport en cause ;
Et attendu, ensuite, que la cour d'appel a relevé que M. X... avait pris place à bord de l'avion pour une simple promenade et retenu que la qualification de transport aérien ne pouvait être écartée que dans l'hypothèse où le passager participait de façon active au pilotage, ou aux vols techniques d'essais ; qu'elle a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées ; qu'elle a, encore, répondu au moyen pris de ce que M. Y... n'avait pas la qualité de transporteur en relevant que celle-ci n'impliquait pas nécessairement un trajet d'un point d'origine à un point de destination et englobait les déplacements circulaires ; de même, qu'en jugeant que la limitation de garantie découlant de la convention de Varsovie devait s'appliquer au litige, elle a nécessairement exclu que la garantie invoquée par la victime put jouer en l'espèce ;
D'où il suit que les griefs sont dépourvus de fondement ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal n° A 01-14.931 de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie, le moyen unique du pourvoi incident de l'Assurance invalidité fédérale (AIF) et le moyen unique du pourvoi incident de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents :
Attendu que les demanderesses au pourvoi principal et au pourvoi incident font grief à l'arrêt de les avoir déboutées de leurs actions contre l'Aéroclub d'Annecy en qualité de civilement responsable, et son assureur, la compagnie AGF, qu'il a mis hors de cause, alors, selon le moyen, que selon l'article 141-4 du Code de l'aviation civile, au cas de location ou de prêt d'un aéronef, le propriétaire et l'utilisateur exploitant sont solidairement responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés ; que pour déclarer hors de cause l'Aéroclub d'Annecy et son assureur, la compagnie AGF, et les dégager de toute responsabilité et obligation à garantie à l'occasion de l'accident de l'avion prêté par l'Aéroclub à un adhérent membre, la cour d'appel a énoncé que le passager transporté dans un aéronef n'était pas un tiers au sens de ce texte ; qu'en adoptant ainsi une conception limitative et restrictive de la notion de tiers, excluant les passagers transportés, ce qu'aucun élément ne justifiait, la cour d'appel a violé l'article 141-4 du Code de l'aviation civile par fausse interprétation ;
Mais attendu que la cour d'appel a jugé à bon droit que le passager transporté n'était pas un tiers au sens de l'article L. 141-4 du Code de l'aviation civile ; que les moyens ne sont pas fondés ;
Mais sur le troisième moyen, pris en ses deux branches du pourvoi incident n° V 01-14.259 de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accident :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la cour d'appel a fixé la créance de la CNA à 255 644 francs suisses dont 28 500 francs suisses représentant l'indemnité pour atteinte à l'intégrité ;
Attendu qu'en limitant ainsi cette créance au montant des indemnités journalières réclamées par la CNA, tout en précisant que la créance des organismes sociaux était fixée conformément à leur demande, alors, d'une part, que la Caisse précitée réclamait à divers titres, une somme globale de 536 817,30 francs suisses, et alors, d'autre part, que, selon la législation suisse, applicable par l'effet de la convention franco-suisse de sécurité sociale du 3 juillet 1975, l'assureur est subrogé dans les droits de l'assuré contre le tiers responsable de l'accident jusqu'à concurrence de toutes les prestations légales servies à la victime, la cour d'appel n'a pas donné de motif à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a limité le recours de la Caisse nationale suisse d'assurance aux indemnités journalières versées pour un montant de 255 644 francs suisses, l'arrêt rendu le 6 février 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toutes les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille quatre.