AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que sur une autoroute, de nuit, le véhicule conduit par M. X... tombé en panne d'essence, étant immobilisé sur la voie de droite, a été percuté à l'arrière et projeté sur la voie de gauche par le véhicule poids lourd conduit par M. Y..., appartenant à la société GB Express Midlands Limited, qui s'est lui-même immobilisé sur la bande d'arrêt d'urgence ;
qu'ultérieurement, le véhicule conduit par M. Z... a percuté l'arrière de la remorque du poids lourd ; que Philippe Z... ayant été tué, Mme Eliane A..., veuve Z..., en son nom personnel et au nom de sa fille mineure Anne-Lise Z... et Mlle Céline Z... (les consorts Z...) et leur assureur Groupama Loire Bourgogne ont assigné en réparation le Bureau central français des compagnies d'assurances (BCF), M. Y..., son employeur et leur assureur la société Torch Motor Polices at Lloyd's, et M. X... et son assureur la société Frankfurter Versichewngen en réparation, en présence de la Caisse primaire d'assurance maladie du Loiret ; que sont intervenus volontairement pour demander réparation Mme Thérèse B... et M. Daniel Z... ;
Attendu que pour déclarer Philippe Z... exclusivement responsable de l'accident impliquant le véhicule conduit par M. Y... et débouter les consorts Z... de leurs demandes, l'arrêt retient par motifs propres et adoptés que le premier accident s'est produit vers deux heures du matin ; que dix minutes plus tard Philippe Z..., qui circulait sur la voie lente de l'autoroute a percuté violemment l'arrière de la remorque de l'ensemble routier stationné sur la bande d'arrêt d'urgence ;
que le critère de l'unité de temps permet d'apprécier si tous les véhicules sont impliqués dans un accident unique ou si chacun d'eux est impliqué dans un accident singulier à l'égard duquel il convient d'analyser l'imputabilité des dommages eu égard aux circonstances de l'accident ;
qu'en l'espèce, avant que Philippe Z... ne percute l'arrière de la remorque de l'ensemble routier de M. Y..., celui-ci a eu le temps de discuter avec M. X... en faisant deux allers et retours entre le véhicule immobilisé sur la voie rapide et son camion ; qu'ainsi un laps de temps d'au moins dix minutes ayant séparé les deux accidents, il s'est écoulé un temps suffisamment long pour qu'il y ait eu non pas un seul accident en chaîne mais deux accidents distincts et successifs ; que le véhicule de M. X... doit être mis hors de cause dans le deuxième accident dans lequel Philippe Z... a trouvé la mort ; qu'en effet ce dernier a, sans raison apparente, perdu le contrôle de son véhicule ; qu'il y a lieu de relever qu'au moins une heure après l'accident, Philippe Z... présentait un taux d'alcoolémie de 0,57 grammes pour mille ; que ce défaut de maîtrise de Philippe Z..., alors qu'aucune faute ne peut être reprochée à M. Y... lors de ce second accident, est la cause exclusive de l'accident dont il a été victime et est de nature à exclure toute indemnisation de ses ayants droit ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'accident était un accident complexe unique impliquant le véhicule de M. X..., et alors que l'absence de faute des autres conducteurs impliqués n'avait pas à être prise en considération pour l'appréciation du droit à indemnisation du conducteur victime, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 juin 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la compagnie d'assurances Groupama Loire Bourgogne et des consorts Z..., d'une part, de M. Y..., de la compagnie d'assurances Torch Motor Polices at Lloyds, du Bureau central français des compagnies d'assurances et de la société GB Express Midlands Limited de deuxième part, de M. X... et de la compagnie Frankfurter Versichewngen de troisième part ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quatre.