AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu l'article L. 213-1 du Code de l'urbanisme, ensemble les articles L. 211-5 et L. 213-4 du même Code ;
Attendu que sont soumis au droit de préemption institué par l'un ou l'autre des deux précédents chapitres tout immeuble ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble, bâti ou non bâti, lorsqu'ils sont aliénés volontairement, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 janvier 2003), que la société Dupo (la société) ayant conclu, avec une même partie, une promesse de vente sur des parcelles et une promesse de cession d'un fonds de commerce de négoce de véhicules automobiles exploité sur celles-ci, a, en raison du droit de préemption urbain existant au profit de la Communauté urbaine de Lille, établi une déclaration d'intention d'aliéner avec une mention du caractère indissociable des deux ventes ;
que cette dernière, ayant exercé son droit de préemption, a saisi le juge de l'expropriation en fixation du prix des terrains et du fonds de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société en paiement du prix de vente du fonds de commerce convenu dans la promesse et condamner la Communauté urbaine de Lille à payer à la société une certaine somme à titre d'indemnité pour perte du droit d'usage professionnel des terrains préemptés, l'arrêt retient que la société n'y exploitait plus un fonds de commerce, n'y exerçant qu'une activité ponctuelle et utilisant les deux immeubles principalement pour garer des véhicules d'occasion destinés à la vente, que le prix convenu pour la vente du fonds de commerce ne correspondait pas à une réalité objective et que la société Dupo ne pouvait prétendre au paiement du prix de vente d'un fonds de commerce, mais seulement à une indemnité pour perte du droit d'usage professionnel des lieux qu'entraînait l'exercice du droit de préemption sur les terrains ;
Qu'en statuant ainsi, en se prononçant sur la consistance et la valeur du fonds de commerce alors que seuls les biens immobiliers sont soumis au droit de préemption, la Chambre des expropriations de la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée n'implique pas qu'il y ait lieu à renvoi ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare non admis le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la Communauté urbaine de Lille devra payer à la société Dupo la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité pour perte du droit d'usage professionnel des lieux, l'arrêt rendu le 17 janvier 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit n'y avoir lieu de modifier la condamnation aux dépens prononcée par les juges du fond ;
Condamne la Communauté urbaine de Lille aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Communauté urbaine de Lille à payer à la société Dupo la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Communauté urbaine de Lille ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille quatre.