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10/06/2004 | FRANCE | N°03-10434

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 juin 2004, 03-10434


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 novembre 2002), que Mme X... a acquis en juillet 1992 un terrain sur lequel elle a fait construire une villa au sein d'un lotissement situé en bordure d'un golf exploité depuis 1988 ; que se plaignant de dégâts causés par la projection incessantes de balles de golf sur sa propriété, elle a fait assigner la société Massane loisirs, exploitante de ce golf, pour obtenir la modification de son parcours et des indemnités ;
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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 novembre 2002), que Mme X... a acquis en juillet 1992 un terrain sur lequel elle a fait construire une villa au sein d'un lotissement situé en bordure d'un golf exploité depuis 1988 ; que se plaignant de dégâts causés par la projection incessantes de balles de golf sur sa propriété, elle a fait assigner la société Massane loisirs, exploitante de ce golf, pour obtenir la modification de son parcours et des indemnités ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué :

Attendu que la société Massane loisirs et la compagnie Groupama Sud font grief à l'arrêt d'avoir dit que la première était tenue de réparer l'entier préjudice subi par Mme X... du fait des troubles anormaux du voisinage que lui occasionne l'activité de golf de cette société en application de l'article 544 du Code civil, alors, selon le moyen, que :

1 / Les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par les nuisances dues à des activités commerciales n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions ; que la cour d'appel qui, saisie par la société Massane loisirs de conclusions rappelant sans être contredite que le golf qu'elle exploite a été inauguré le 1er juillet 1988, que M. et Mme X... ont demandé un permis de construire le 19 octobre 1991, condamne la société Massane loisirs à indemniser Mme X... pour l'entier préjudice subi du fait des troubles anormaux du voisinage que lui occasionne l'activité de golf de cette société, a violé par refus d'application l'article L. 112-16 du Code de la construction et de l'habitation ;

2 / La cour d'appel qui constate qu'une disposition du règlement du lotissement Domaine du Golf prévoit : "le lotissement étant réalisé à proximité d'un parcours de golf, l'ensemble des propriétaires des lots devra subir les contraintes comme profiter des avantages résultant de la proximité du parcours" et décide que cette servitude, même d'origine conventionnelle, doit nécessairement s'entendre des contraintes normales, mais n'excuse pas les embarras excessifs subis par le fonds servant en raison de l'activité du fonds dominant, a dénaturé le règlement du lotissement en violation de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que par suite d'un défaut de conception du tracé du golf la propriété de Mme X... était beaucoup plus exposée que les autres riverains à des tirs de forte puissance, et qu'il ressortait clairement de l'expertise que Mme X..., contrainte de vivre sous la menace constante d'une projection de balles qui devait se produire d'une manière aléatoire et néanmoins inéluctable, et dont le lieu et la force d'impact, comme la gravité des conséquences potentielles, étaient totalement imprévisibles, continuait à subir des inconvénients qui excédaient dans de fortes proportions ceux que l'on pouvait normalement attendre du voisinage d'un parcours de golf ;

Que la cour d'appel a déduit à bon droit de ces constatations qu'en l'absence de texte définissant les règles d'exploitation d'un terrain de golf autre que le règlement du lotissement qu'elle n'a pas dénaturé, la société Massane loisirs ne pouvait utilement invoquer en l'espèce les dispositions de l'article L. 112-16 du Code de la construction et de l'Habitation qui ne prévoient une exonération de responsabilité que si l'activité génératrice du trouble s'exerce conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, de sorte qu'il convenait de faire application du principe général selon lequel l'exercice même légitime du droit de propriété devient générateur de responsabilité lorsque le trouble qui en résulte pour autrui dépasse la mesure des obligations ordinaires du voisinage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Massane loisirs fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de condamnation de la compagnie Groupama à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, alors, selon le moyen :

1 / qu'en l'état des conclusions de Groupama qui pour dénier sa garantie, faisait valoir que les dommages causés aux tiers par les golfeurs eux-mêmes ne rentraient pas dans le cadre des garanties accordées à son assurée, cependant que la société Massane loisirs plaidait que les dommages provenant du fait des clients et de la structure immobilière étaient garantis au titre des dommages causés à autrui engageant la responsabilité de l'assuré en vertu des articles 1382 et suivants du Code civil à la suite d'un accident et que Mme X... faisait valoir que la précipitation des balles de golf constituaient un accident de sorte que son dommage entrait dans le cadre de la police, la cour d'appel ne pouvait d'office, sans provoquer les explications préalables des parties, relever que les dommages subis par Mme X..., qui étaient occasionnés par l'exploitation du commerce de la société Massane loisirs n'entraient cependant pas dans le cadre de la garantie comme ne résultant pas d'un accident ; qu'elle a ainsi violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'en tout état, la cour d'appel qui constatait que la société Massane loisirs avait souscrit un contrat garantissant sa responsabilité civile liée à l'exploitation de son commerce et qui relevait que les préjudices dont elle la déclarait responsable à l'égard de Mme X... découlaient directement de l'exploitation de son commerce ne pouvait décider que ces dommages n'entraient pas dans le cadre de la garantie de Groupama, sans dire en quoi ces dommages n'étaient pas couverts par la police qui garantissait précisément l'assurée contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu'elle pouvait encourir en qualité d'exploitant d'un golf pour les dommages causés à autrui ; qu'elle a ainsi entaché son arrêt d'un manque de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que c'est sans méconnaître le principe de la contradiction, et par une décision motivée, que la cour d'appel a fait application d'une clause de la police d'assurance invoquée dans leurs écritures tant par la société Massane loisirs que par Mme X..., pour considérer que la compagnie d'assurance ne devait pas sa garantie, l'événement constituant le sinistre ne rentrant pas dans le champ d'application de celle-ci ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Massane loisirs aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Massane loisirs à payer à Groupama la somme de 1 500 euros ; rejette toutes les autres demandes présentées de ce chef ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 03-10434
Date de la décision : 10/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROPRIETE - Droit de propriété - Atteinte - Applications diverses - Troubles anormaux de voisinage - Exonération - Activités agricoles, industrielles, artisanales ou commerciales - Exclusion - Cas.

Ne saurait relever de l'exonération de responsabilité tirée de l'article L. 112-16 du Code de la construction et de l'habitation et excède les inconvénients normaux de voisinage l'exposition d'un riverain par suite d'un défaut de conception du tracé d'un parcours de golf, à des tirs de forte puissance contraignant celui-ci à vivre sous la menace constante de projections de balles de golf, certes aléatoires mais néanmoins inéluctables et susceptibles d'avoir de graves conséquences.


Références :

Code de la construction et de l'habitation L112-16

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 05 novembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 jui. 2004, pourvoi n°03-10434, Bull. civ. 2004 II N° 291 p. 245
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 II N° 291 p. 245

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : M. Domingo.
Rapporteur ?: M. Breillat.
Avocat(s) : la SCP Ancel et Couturier-Heller, la SCP Parmentier et Didier, Me Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.10434
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