AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Met hors de cause la société Gerling Konzern ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la compagnie Axa corporate solutions, la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et la société SPIE Trindel ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 octobre 2001), que les sociétés Cofreth, SPIE Batignolles et Les combustibles de Normandie (société LCN), concessionnaires de la construction et de l'exploitation d'une usine d'incinération d'ordures ménagères et de déchets industriels, représentées par leur mandataire commun, la société Cofreth, assurée selon police "dommages-ouvrage"auprès de la compagnie Union des assurances de Paris (UAP), ont chargé la société des Constructions nouvelles de la Méditerranée (société CNIM) de la fourniture de deux chaudières et des installations du traitement de l'eau et la société SPIE Batignolles, également assurée auprès de l'UAP, de la conception et de la réalisation du réseau de transport de chaleur et de l'installation des tuyauteries ; que la société SPIE Batignolles a commandé des tubes, des compensateurs et du matériel à la société Sécométal, filiale de la société allemande Dillinger Stahlbau (DSD), assurée par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) pour sa responsabilité de fabricant et par la société Gerling Konzern pour sa responsabilité civile après livraison ; que la Société pour l'incinération des résidus de l'agglomération caennaise (société SIRAC), constituée par les sociétés CNIM, Cofreth et LCN pour exploiter l'usine d'incinération, a été chargée de la conduite et de la maintenance de l'ensemble de l'installation de récupération et d'acheminement de la chaleur ; que le réseau a été réceptionné le 10 avril 1986, puis, des fuites se sont révélées et les sociétés Cofreth et SPIE Batignolles ont entrepris des travaux de réparation auxquels a participé la société Sécométal ; que la société Cofreth, ès qualités, a assigné en réparation du préjudice subi par le groupement concessionnaire les sociétés SPIE Batignolles, DSD,
Sécométal et leurs assureurs ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés DSD et Sécométal font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la société SPIE Batignolles une certaine somme en réparation de son préjudice, alors, selon le moyen :
1 / que l'arrêt, qui confirme le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné les société DSD et Sécométal, in solidum avec d'autres, à verser à la société SPIE Batignolles la somme de 68 979 215 francs HT augmentée d'une somme mensuelle de 515 825 francs hors taxes à compter du 1er juin 1992 jusqu'à la date du jugement, condamne par ailleurs les sociétés DSD et Sécométal, au titre du même préjudice, à payer à la société SPIE Batignolles, en deniers ou quittances, la somme de 62 554 120 francs (9 536 324,12 euros) incluant les frais financiers jusqu'au 31 août 1991 outre les frais financiers du 1er septembre 1991 au 7 avril 1993 sur la somme de 48 739 600 francs (7 430 304,12 euros) au taux de base bancaire augmenté de 1,5 % ; que la cour d'appel s'est ainsi contredite, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'à supposer qu'il n'y ait pas contradiction, en statuant de la sorte, la cour d'appel qui a relevé que les dépenses engagées par la société SPIE Batignolles s'élevaient provisoirement à la date du 31 août 1991 à la somme de 62 554 120 francs, à laquelle il convenait d'ajouter les frais financiers du 1er septembre 1991 au 7 avril 1993, a méconnu le principe de la réparation intégrale, en violation de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'une contradiction alléguée entre deux chefs de dispositif peut être dénoncée par la voie d'une requête en interprétation, en application de l'article 461 du nouveau Code de procédure civile, sans donner ouverture à cassation ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant précisé, dans ses motifs, que le jugement ne serait confirmé que relativement à la période de décompte des frais financiers et alors que l'arrêt, avant-dire droit, de la cour d'appel de Versailles du 30 juin 1995 avait condamné les sociétés DSD et Sécométal à payer à la société SPIE Batignolles la somme de 39 369 136 francs, à titre provisionnel, en remboursement des montants qu'elle avait avancés personnellement pour exécuter les travaux de réfection du réseau, la cour d'appel, qui a chiffré le préjudice subi par la société SPIE Batignolles, sous réserve de la période de décompte des frais financiers, n'a pas procédé à une double indemnisation du préjudice ;
D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les sociétés DSD et Sécométal font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la société SPIE Batignolles certaines sommes en réparation de son préjudice, alors, selon le moyen :
1 / que par son arrêt revêtu en cela de l'autorité de la chose jugée, compte tenu de l'arrêt rendu le 30 septembre 1998 par la Cour de Cassation, la cour d'appel a condamné les sociétés DSD et Sécométal, in solidum avec les assureurs de Sécométal, à payer à la société SPIE Batignolles, sous réserve du contrôle des frais généraux et des assurances prises pour les travaux de réfection, la somme de 39 369 136 francs, au titre du remboursement des sommes avancées par celle-ci pour exécuter les travaux de réfection, à l'exception de celles afférentes aux frais financiers ; qu'en allouant à la société SPIE Batignolles une somme de 62 554 120 francs comprenant un coût des travaux de réfection, hors frais financiers, et même hors assurances et frais généraux, supérieur à celui accordé par l'arrêt du 30 juin 1995, la cour d'appel a violé les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que le jugement , dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche ; qu'en statuant à nouveau sur le coût des travaux de réfection, hors assurances, frais généraux et frais financiers, avancés par la société SPIE Batignolles, bien qu'elle l'ait déjà fait par son arrêt, devenu irrévocable en date du 30 juin 1995, la cour d'appel a violé l'article 481 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt rendu le 30 juin 1995 par la cour d'appel de Versailles ne portant dans son dispositif condamnation des sociétés DSD et Sécométal qu'à titre provisionnel, au profit de la société SPIE Batignolles, la cour d'appel, qui demeurait saisie du litige, a pu procéder à l'évaluation définitive du préjudice subi par cette dernière ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que les sociétés DSD et Sécométal font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la société Elyo diverses sommes en réparation de son préjudice, alors, selon le moyen :
1 / qu'il appartenait à la société Cofreth d'établir l'étendue de son préjudice d'exploitation au cours de la période du 1er juin 1990 au 14 octobre 1990 ; que la cour d'appel, qui estime qu'un tel préjudice a existé au cours de cette période, ne pouvait dès lors décider, qu'à défaut de documents et d'évaluation comptable précise, il convenait de recourir à la méthode "pro rata temporis" pour déterminer le montant de ce préjudice, sans violer l'article 1315 du Code civil ;
2 / qu'au surplus, le juge ne peut accorder une réparation excédant le montant du préjudice réellement subi ; qu'en fixant par la méthode "pro rata temporis" le préjudice d'exploitation subi par la société Cofreth entre le 1er juin 1990 et le 14 octobre 1990, aux motifs qu'aucune évaluation comptable précise n'était possible, la cour d'appel n'a pas justifié légalement l'arrêt attaqué au regard de l'article 1147 du Code civil ;
3 / qu'en toute hypothèse, même à supposer valide la méthode "pro rata temporis" retenue par l'arrêt, en déterminant le préjudice subi au cours de la période du 1er juin 1990 au 14 octobre 1990, par référence à la période du 1er août 1986 au 31 mai 1990, qu'elle prend en considération pour quarante-cinq mois bien que celle-ci représente quarante-six mois, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
4 / que, de la même façon, la période du 1er juin 1990 au 14 octobre 1990 représente quatre mois et quatorze jours et non quatre mois et demi comme le relève l'arrêt ; qu'en calculant le préjudice litigieux pour une période de quatre mois et demi, la cour d'appel a, par suite, violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'expert judiciaire n'avait pu calculer le préjudice subi par la société Elyo pour la période du 1er juin 1990 au 14 octobre 1990, faute de documents, la cour d'appel, qui était tenue d'évaluer le préjudice invoqué dont le principe n'était pas discuté, l'a souverainement fixé au prorata du préjudice subi lors d'une période antérieure ;
Attendu, d'autre part, que les erreurs matérielles dénoncées dans le calcul des jours de référence, pouvant être réparées par la procédure prévue à l'article 462 du nouveau Code de procédure civile, ne donnent pas ouverture à cassation ;
D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais, sur le troisième moyen :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que pour fixer le préjudice subi par la société SPIE Batignolles, l'arrêt retient qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'une somme de 6 717 000 francs, s'agissant d'une indemnité d'assurance versée par la société Cofreth à l'occasion d'une autre instance ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cette somme n'était pas destinée à préfinancer des travaux de réparation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que la somme de 6 717 000 francs versée par la société Cofreth (Elyo) à la société SPIE Batignolles n'a pas été prise en compte pour l'évaluation du préjudice de cette dernière, l'arrêt rendu le 22 octobre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne, ensemble, les sociétés DSD Dillinger Stahlbau, Sécométal et SPIE Batignolles aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, les sociétés DSD Dillinger Stahlbau et Sécométal à payer à la société Elyo, à la société Les Combustibles de Normandie et à la société Genecal, ensemble, la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toutes les autres demandes de ce chef ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille quatre.