AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, dans son numéro du 10 au 16 mars 2000, l'hebdomadaire France-Dimanche, édité par la société Hachette Filipacchi et Associés (la société), a publié un article, annoncé en page de couverture sous le titre "Claire X..., le bouleversant secret derrière son mariage, coup de théâtre", consacré au futur mariage de Mme X... avec M. Y..., accompagné de trois photographies représentant les futurs époux, prises dans des circonstances publiques ;
qu'estimant que cet article portait atteinte au respect de sa vie privée et de son droit au respect de son image, Mme X... a assigné la société en réparation du préjudice subi, sur le fondement de l'article 9 du Code civil ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer une certaine somme en réparation du préjudice subi par Mme X..., alors, selon le moyen, que ni le droit à la protection de la vie privée, ni le droit à l'image n'ont de caractère absolu, et qu'il ne peut être porté atteinte à ces droits par l'exercice de la liberté d'expression, dans les limites d'une juste proportion entre cette liberté et la protection légitime des droits de la personne ; qu'une telle atteinte peut, notamment, se justifier par le devoir d'information, lorsque la protection s'applique au profit d'un personnage public d'une exceptionelle notoriété comme Claire X... ; qu'en refusant à la société HFA d'invoquer la notoriété de Claire X... et l'exposition médiatique à laquelle elle est soumise, pour justifier la publication incriminée, c'est-à-dire en considérant que la protection des droits de la personne prime nécessairement et dans tous les cas, l'intérêt public s'attachant à la liberté d'expression, au lieu d'appliquer la règle de proportionnalité, la cour d'appel a violé les articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 1er et suivants de la loi du 29 juillet 1881 ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces produites que la société ait soutenu en appel le moyen tiré de l'absence de proportionnalité entre la protection des droits de la personne et l'intérêt public s'attachant à la liberté d'expression ; que la première branche du moyen est nouvelle et, mélangée de fait et de droit, irrecevable ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 9 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société au paiement d'une certaine somme en réparation du préjudice subi par Mme X..., l'arrêt retient que le mariage de Claire X..., en raison de sa profession et de sa notoriété, constituait un événement dont France-Dimanche pouvait rendre compte, que pour autant l'annonce du mariage n'autorisait pas les digressions et les commentaires relatifs aux circonstances de la rencontre des intéressés, leurs sentiments, leurs projets, et autres détails relevant indiscutablement de la vie privée de Mme X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ces commentaires étaient anodins, de sorte qu'ils ne caractérisaient pas une atteinte au respect de la vie privée de Mme X..., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 9 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société au paiement d'une certaine somme en réparation du préjudice subi par Mme X..., l'arrêt retient également que l'article est illustré de photographies représentant Mme X..., en compagnie de M. Y..., à l'occasion de manifestations publiques, que la publication de ces photographies, toutes détournées du contexte ayant présidé à leur fixation, est fautive en ce qu'elles illustrent essentiellement un article attentatoire à la vie privée de Mme X... et ne se justifie pas par la nécessité de l'information, même relative à l'annonce du mariage de celle-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les photographies de Mme X... et de M. Y..., les représentant en couple, avaient été prises au cours de manifestations publiques et qu'elles illustraient un article qui, sans porter atteinte au respect de la vie privée de Mme X..., concernait l'annonce de leur mariage, ce dont il résultait l'existence d'un lien direct entre ces photos et l'article, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de la société Hachette Filipacchi associés et de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quatre.