AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que les époux X..., propriétaire d'un château-gîte rural, Mme Y... de chambres d'hôtes et les consorts Z... d'une maison, situés à proximité d'une installation classée pour la protection et l'environnement ont assigné M. A..., agriculteur, en suppression des troubles anormaux de voisinage occasionnés par son activité d'élevage de porcs, pour laquelle il avait obtenu les autorisations administratives nécessaires et en paiement de dommages-intérêts pour les préjudices commercial et d'agrément subis ;
Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 12 mars 2002) d'avoir constaté que ses installations de porcherie entraînaient des troubles anormaux de voisinage et ordonné la suspension de ses activités sous peine d'une astreinte par jour de retard si, passé un délai d'un an à compter de la notification de l'arrêt, il n'avait pas mis en oeuvre les mesures nécessaires pour faire cesser toutes nuisances olfactives entraînées par l'exploitation de la "maternité" et de l'établissement d'engraissage, alors, selon le moyen :
1 ) qu'il résultait des constatations effectuées tant par le président du tribunal de grande instance lors du transport sur les lieux, que par l'expert commis par ordonnance de référé, que la zone était rurale, à vocation agricole, et que les odeurs se manifestaient de manière irrégulière, imprévisible, pendant une durée variable et en fonction des données météorologiques, de sorte que les nuisances olfactives alléguées par les appelants ne pouvaient être regardées comme dépassant le seuil au-delà duquel ces inconvénients de voisinage, jugés excessifs, ouvriraient droit à réparation ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
2 ) que, si les tribunaux judiciaires ont compétence pour se prononcer tant sur les dommages-intérêts à allouer aux tiers lésés par le fonctionnement d'un établissement dangereux, insalubre ou incommode que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice que cet établissement pourrait causer pour l'avenir, c'est à la condition que ces mesures ne contrarient point les prescriptions édictées par l'administration dans l'intérêt de la santé et de la salubrité publiques ; qu'en la cause en statuant comme elle l'a fait tout en constatant que les installations de M. A... relevaient du régime des établissements classés, ce qui lui interdisait d'en ordonner la fermeture, la Cour d'appel a procédé d'une violation de la loi des 16-24 août 1790 sur la séparation des pouvoirs et de l'article 24 de la loi du 19 juillet 1976, codifié à l'article L. 514-2 du Code de l'environnement ;
Mais attendu, d'une part, que sous le couvert du grief non fondé de manque de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, la première branche du moyen ne tend qu'à remettre en discussion le pouvoir souverain des juges du fond en ce qui concerne l'existence de troubles anormaux du voisinage ;
Attendu, d'autre part, que les tribunaux judiciaires ont compétence pour se prononcer tant sur les dommages-intérêts à allouer aux tiers lésés par le voisinage d'un établissement dangereux, insalubre ou incommode, que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice qu'ils pourraient causer dans l'avenir, à la condition que ces mesures ne contrarieront point les prescriptions édictées par l'administration dans l'intérêt de la sûreté et de la salubrité publique ; qu'en ordonnant la suspension des activités de M. A..., sous peine d'une astreinte de 120 euros par jour de retard si, passé un délai d'un an à compter de la notification de l'arrêt, il n'avait pas mis en oeuvre les mesures nécessaires pour faire cesser toutes nuisances olfactives entraînées par l'exploitation de la "maternité" et de l'établissement d'engraissage , la cour d'appel n'a en rien outrepassé ses pouvoirs dans la mesure ou le moyen invoqué ne soutient pas que cette mesure contrarierait les prescriptions de l'administration ;
Que le moyen ne peut dès lors être accueilli en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. A... à payer aux consorts X..., Y... et Z... la somme globale de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile par M. Renard-Payen, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de M. le président Lemontey, en son audience publique du treize juillet deux mille quatre.