AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 février 2003) que Marcel X..., piéton, a été mortellement blessé par l'ensemble routier conduit par M. Y... en traversant une rue hors d'un passage protégé ; que M. Y... a été relaxé des poursuites pénales du chef d'homicide involontaire et condamné à une peine d'amende du chef du délit de défaut d'assurance ; que les ayants-droit de la victime, Mme Denise X..., épouse Z..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs Christophe et Nathalie Z..., Mme Sylvie X..., épouse A... et M. Yann B... (les consorts X...), déboutés de leurs demandes en qualité de parties civiles devant la juridiction pénale, ont assigné en indemnisation devant le tribunal de grande instance M. Y..., en présence du Fonds de garantie (FGA) ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt confirmatif de l'avoir condamné à réparer le préjudice moral des consorts X..., alors, selon le moyen, que toute décision pénale a autorité de la chose jugée au civil, quoique cette dernière action soit exercée sur le fondement autonome de la loi du 5 juillet 1985, quant à ce qui a été nécessairement jugé au pénal ;
qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si le jugement de relaxe rendu au bénéfice de M. Y..., conducteur du véhicule ayant renversé et provoqué la mort d'un piéton, n'impliquait pas nécessairement la reconnaissance d'une faute inexcusable de la victime ou d'un comportement suicidaire de cette dernière, ayant autorité de la chose jugée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1351 du Code civil et 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt retient par motifs propres et adoptés que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 sur lesquelles les consorts X... fondent leurs demandes permettent aux victimes d'accident de la circulation dans lesquels sont impliqués des véhicules terrestres à moteur d'être indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne sans que puisse leur être reproché leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident ; qu'il s'ensuit que l'action civile exercée en vertu de ce texte procède d'un fondement juridique autonome et que son exercice ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ; qu'en conséquence, l'action des consorts X... est recevable, nonobstant la décision de relaxe rendue en faveur de M. Y... par le tribunal correctionnel qui était saisi des poursuites engagées des chefs d'homicide involontaire et défaut d'assurance ; que la procédure d'enquête de police démontre que Marcel X... traversait la route située devant son domicile avec un sac à provisions et qu'au lieu d'emprunter le passage réservé aux piétons et de s'arrêter pour laisser passer les véhicules, et pressé de regagner son habitation, il a accéléré le pas à la vue du camion et a été alors renversé par ce véhicule ; que ces circonstances sont caractéristiques de l'attitude d'un piéton qui a traversé la chaussée sans s'assurer qu'il pouvait le faire sans danger; qu'en revanche, elles ne sont nullement révélatrices ni d'une volonté de suicide, ni d'une faute inexcusable constituant la cause exclusive de l'accident ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, effectuant la recherche demandée, a pu, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, déduire des circonstances qu'elle a souverainement appréciées que Marcel X... n'avait pas commis de faute inexcusable au sens de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu les articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Bouzidi et Bouhanna ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ; le condamne à payer à Mme Z..., prise tant en son nom personnel qu'ès qualités, la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille quatre.