AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 mars 2002), que, par acte du 12 septembre 1927, la commune de Bandol a autorisé MM. X... et Y... à construire un casino à l'extrémité Est de la ville et leur a accordé le droit exclusif d'exploitation des jeux pour une durée de quatre-vingts ans ; que, par acte du 17 novembre 1967, la société Casino municipal de Bandol, venue aux droits de MM. X... et Y..., a consenti un bail à la société Hotazur sur divers locaux en vue de l'exploitation d'un commerce de restaurant et tous commerces se rattachant aux activités touristiques et hôtelière ; que, par acte du 26 mai 1986, la commune de Bandol (la commune), qui entre-temps avait repris possession des locaux concédés à la société Casino municipal de Bandol, a consenti un nouveau bail qualifié de "commercial" à la société Hotazur pour une durée de neuf ans à compter du 1er avril 1984 ; que, par acte du 27 juin 1994, la société Hotazur a sollicité le renouvellement de son bail ; que la commune s'étant opposée à cette demande, la société Hotazur l'a assignée aux mêmes fins ;
Attendu que la société Hotazur fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne peut bénéficier du statut des baux commerciaux, s'agissant de locaux situés sur le domaine public, et de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen :
1 / que la société Hotazur avait notamment souligné dans ses conclusions que le terrain avait fait l'objet d'une concession à caractère emphytéotique au profit de la société Casino de Bandol en 1927, ce qui était incompatible avec la notion de domanialité publique ;
qu'en affirmant qu'aux termes de l'acte du 12 septembre 1927, la concession portait sur le domaine maritime sur lequel devait être édifié le casino, sans répondre aux conclusions de la société Hotazur concernant l'emphytéose, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la société Hotazur avait également soutenu que le terrain sur lequel avait été construit le restaurant en cause appartenait au domaine privé de la commune, puisqu'il provenait d'un endigage du rivage de la mer, réalisé environ en 1932, et que le restaurant avait été créé après 1967, après la réalisation de travaux à l'endroit d'un jardin d'hiver ;
qu'en se prononçant par des motifs ne permettant nullement d'établir que les locaux dans lesquels le restaurant était exploité étaient exclus ou inclus dans les terrains provenant de l'endigage, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision au regard de l'article 2 du décret du 30 septembre 1953 ;
3 / que la cour d'appel a relevé que la salle de restaurant était indépendante de l'établissement du casino et disposait d'une entrée séparée, de manière à ne pas communiquer avec les salles de jeux ;
qu'en considérant néanmoins que les locaux du restaurant étaient situés sur le domaine public sans caractériser l'appartenance au domaine public des locaux du casino ni leur caractère indivisible avec les locaux occupés par le restaurant, la cour d'appel n'a pas légalement motivé la décision au regard de l'article 2 du décret du 30 septembre 1953 ;
4 / que la présence de clauses exorbitantes du droit commun ne peut être prise en considération que lorsqu'elles figurent dans le contrat liant les deux parties cocontractantes ; qu'en faisant état de façon inopérante de l'existence de telles clauses dans l'acte du 12 septembre 1927 ne liant pas la société Hotazur à la commune de Bandol, tout en laissant sans réponse les conclusions de la société Hotazur qui faisait valoir que ses locaux n'étaient pas affectés à un service public, mais exclusivement à l'usage de restaurant, qu'ils n'avaient reçu aucun aménagement spécial pour leur assurer la destination d'un service public et que le contrat qui la liait à la commune ne contenait aucune clause dérogatoire au droit commun, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'aux termes de l'acte du 12 septembre 1927, la concession portait sur le domaine maritime sur lequel devrait être édifié le casino, que, selon l'article 8 de cet acte, ce n'était que la partie du terrain faisant face au casino qui devait faire l'objet d'un endiguement en vue de l'établissement d'un jardin, de promenades et de terrains de sport, et ayant retenu qu'il était précisé dans l'acte de sous-location du 17 novembre 1967 que les locaux du restaurant étaient situés dans le bâtiment créé par la société Casino de Bandol même si, conformément à cet acte, la salle de restaurant demeurait indépendante de l'établissement du casino et disposait d'une entrée séparée de manière à ne pas communiquer avec les salles de jeux et que l'acte conclu le 26 mai 1986 entre la commune de Bandol et la société Hotazur mentionnait que les locaux loués, comprenant un rez de chaussée, un premier étage et un deuxième étage, étaient situés dans la partie Ouest de l'immeuble du casino de Bandol, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que les locaux considérés, qui étaient situés sur le domaine public, ne pouvaient faire l'objet d'un bail de droit privé, quelle que soit la dénomination donnée au contrat par les parties ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Hotazur aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Hotazur à payer à la commune de Bandol la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Hotazur ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille quatre.