AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 63 et 69 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;
Attendu que le créancier saisissant qui n'a pas été payé par le tiers saisi conserve ses droits contre le débiteur ; que toutefois si ce défaut de paiement est imputable à la négligence du créancier, celui-ci perd ses droits à concurrence des sommes dues par le tiers saisi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Banque de la Réunion (la banque) a fait pratiquer des saisies-attributions au préjudice de la SCI Centre commercial de Saint-André (la SCI) entre les mains des locataires de celle-ci ; que la SCI a saisi un juge de l'exécution d'une demande fondée sur les dispositions de l'article 63, alinéa 2, du décret du 31 juillet 1992, en soutenant que le défaut de paiement des loyers par les tiers saisis, pendant plusieurs mois, était imputable à la négligence du créancier ;
Attendu que pour rejeter la demande, l'arrêt retient que l'absence de règlement intégral des sommes dues par les tiers saisis à une échéance, ne compromet nullement le recouvrement du solde et que le défaut de paiement ne doit pas s'entendre d'un simple retard mais d'une carence avérée ayant rendu la mesure d'exécution pratiquée, inefficiente ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que d'avril à novembre 2000, la banque n'avait adressé aucun rappel aux locataires récalcitrants, qu'elle n'avait avisé la SCI débitrice, ni des paiements effectués au fur et à mesure des échéances, ni des défauts de paiement et qu'elle n'avait pris aucune initiative pour mettre en oeuvre une action contre les tiers saisis, de sorte que la négligence du créancier saisissant était caractérisée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Banque de la Réunion aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Banque de la Réunion ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille quatre.