AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que la société X... France, qui importait et commercialisait en France des conserves de champignons produites aux Pays-Bas, a fait l'objet à l'automne 1986 de saisies et consignations de ses produits par les services de la répression des fraudes sur le fondement des articles 11-1 et 11-2 de la loi du 1er août 1905 (article L. 215-7 du Code de la consommation ), en raison de présence d'additif d'albumine permettant la rétention d'eau ; qu'à la suite d'une information pénale ouverte pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise, la chambre d'accusation a annulé pour vice de forme la mesure d'expertise ordonnée; que le 26 décembre 1996, M. X..., la société X... en liquidation, et son liquidateur ont fait assigner en dommages-intérêts l'Etat français pour faute lourde dans le fonctionnement du service de la justice sur le fondement de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire ;
Attendu que les demandeurs font grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 30 octobre 2000) de les avoir débouté, alors, selon le moyen :
1 / qu'en énonçant que la faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat est seulement celle qui résulte d'une erreur particulièrement grossière ou d'une carence manifeste de celui qui en est l'auteur ou encore celle qui révèle l'intention de nuire de son auteur et dont la gravité est telle qu'elle est insusceptible de se rattacher à l'exercice normal des fonctions judiciaires, la cour d'appel a violé l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire ;
2 / que la faute lourde s'inférait de ce que les opérations de police judiciaire avaient été menées en l'absence de l'élément légal de l'infraction, l'incorporation d'albumine dans les conserves n'étant pas interdite, et qu'en décidant par le motif inopérant que la mention relative à cette présence d'albumine ne figurait pas sur l'étiquetage bien qu'une telle infraction n'était pas celle qui avait motivé les poursuites, la cour d'appel a encore violé le texte sus-visé ;
3 / que la cour d'appel devait rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si la faute lourde ne pouvait s'inférer du caractère manifestement excessif des mesures coercitives prises par l'administration au regard de l'unique infraction concernant l'absence d'étiquetage dont l'élément légal existait, privant ainsi de base légale sa décision au regard de ce texte ;
Mais attendu que le seul énoncé d'une interprétation abandonnée de la loi ne suffit pas à caractériser une violation de celle-ci, dès lors qu'il n'en a pas été fait une application erronée ; que par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient, d'abord, que les mesures prises sous le contrôle du procureur de le République s'inscrivaient dans le cadre de la recherche d'une infraction pouvant résulter d'une tromperie commise à l'égard du consommateur et d'une distorsion de concurrence et que, fondées sur la loi de 1905 et sur les normes communautaires, elles ont été diligentées régulièrement sans faire l'objet de recours ou d'annulation par les juridictions chargées d'en apprécier la validité; que les juges du fond énoncent, ensuite, que l'importateur néerlandais n'établit pas avoir fait l'objet de mesures discriminatoires ou disproportionnées au regard de la mission de protection de l'ordre public économique confiée aux services de la répression des fraudes et du but poursuivi, les conditions de la commercialisation des produits, notamment, en grandes surfaces justifiant des investigations et des interventions les plus larges possibles et dans un grand nombre de lieux; qu'ils observent, enfin, que les produits saisis reconnus conformes ont été restitués dans un délai raisonnable; qu'il ne se déduit pas de ces constatations et appréciations des juges du fond, l'existence d'un fait ou une série de faits caractérisant l'inaptitude du service de la justice à remplir la mission dont il est investi ;
que le fait, pour la cour d'appel, d'avoir procédé à un examen de chacune des fautes prétendument commises et non à leur appréciation d'ensemble ne saurait davantage constituer une irrégularité de nature à entraîner la cassation de sa décision dès lors que ces griefs n'étaient pas établis ;
que par ces motifs, l'arrêt est légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'Agent judiciaire du Trésor ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille quatre.