AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 17 mars 2003), que la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural de Champagne-Ardenne (la SAFER) a, le 8 novembre 1999, exercé son droit de préemption en vue de l'agrandissement des exploitations existantes et l'amélioration de la répartition parcellaire dans la limite de quatre fois la surface minimum d'installation (SMI), sur une parcelle dont M. X... s'était porté acquéreur auprès du Service des domaines de la Direction des services fiscaux ; que M. X... a assigné la SAFER en nullité de cette décision de préemption, au motif qu'elle n'était pas motivée par un objectif légalement en vigueur depuis la modification de l'article L. 143 -2 du Code rural par la loi du 9 juillet 1999 entrée en vigueur le 10 juillet 1999 ;
Attendu que la SAFER fait grief à l'arrêt d'annuler la décision de préemption, alors, selon le moyen :
1 / que la légalité de l'objectif d'agrandissement pouvant justifier la décision de préemption d'une SAFER, tel que modifié par la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, doit être appréciée au regard de la réglementation, elle aussi modifiée, du contrôle des structures dont les conditions d'application varient selon la superficie des exploitations en tenant compte d'une "unité de référence" fixée par les schémas directeurs départementaux, notion substituée à celle de surface minimum d'installation antérieurement utilisée ; qu'il s'ensuit que cette disposition de la loi nouvelle ne pouvait pas entrer en vigueur avant que le schéma directeur départemental applicable n'ait été mis en conformité avec le nouveau dispositif ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application l'article L. 142 ancien du Code rural et, par fausse application, l'article L.143-2 nouveau du même Code, ensemble l'article 23 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 ;
2 / qu'en affirmant que le nouvel article L.143-2 du Code rural ne faisait référence à aucune mesure de contrôle et notamment pas à l'unité de référence telle que définie par l'article L. 312-5 du même Code, tout en constatant que l'objectif d'agrandissement modifié devait désormais être exercé "conformément à l'article L. 331-2", lequel fixe les conditions et les modalités du contrôle administratif et renvoie expressément à l'article L. 312-5 précité, la cour d'appel a violé de plus fort l'article L. 143-2 nouveau du Code rural, ensemble le texte susvisé ;
3 / qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 a expressément maintenu l'objectif légal d'agrandissement existant antérieurement et pouvant justifier la préemption d'une SAFER, la loi nouvelle ayant seulement simplifié les conditions permettant de satisfaire à cet objectif en supprimant le plafond de superficie de quatre SMI qui limitait le pouvoir d'intervention des SAFER et substitué à celui-ci un simple renvoi aux règles régissant le contrôle des structures ; qu'il s'ensuit qu'à supposer même que la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 ait été immédiatement applicable, une préemption légalement justifiée par l'agrandissement des exploitations existantes au regard des textes anciens, s'agissant de la superficie des exploitations pouvant en bénéficier, entre nécessairement dans les prévisions de la loi nouvelle laquelle autorise désormais les SAFER à poursuivre un objectif d'agrandissement, quelle que soit la superficie des exploitations en cause ; qu'en affirmant néanmoins que la SAFER Champagne-Ardenne ne pouvait pas se référer à un objectif d'agrandissement qui n'était plus légalement en vigueur depuis le 10 juillet 1999, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 143-2 et L. 143-3 du Code rural ;
4 / qu'une décision de préemption prise par une SAFER est valablement motivée lorsqu'elle comporte une donnée concrète permettant de vérifier sa conformité à l'un au moins des objectifs légaux allégués ; qu'en se bornant à retenir, pour annuler la décision de préemption litigieuse, que celle-ci faisait référence à l'objectif légal d'agrandissement mais dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 juillet 1999, sans rechercher si celle-ci ne comportait pas néanmoins une donnée concrète permettant de vérifier sa conformité à l'objectif d'agrandissement en vigueur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 143-2 et L. 143-3 du Code rural ;
Mais attendu que la cour d'appel qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui n'était pas demandée, a, abstraction faite de l'affirmation surabondante selon laquelle la SAFER ne pouvait se référer à un objectif d'agrandissement qui n'était plus en vigueur depuis la loi du 10 juillet 1999, exactement relevé que le fait que le contrôle des structures ne puisse être opéré que dans le cadre de l'ancien schéma directeur départemental des structures resté en vigueur et en référence à l'ancienne notion de surface minimum d'installation n'était pas de nature à faire obstacle à l'application de l'objectif numéro 2, tel que défini par la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 et, a fortiori, à permettre le maintien en vigueur de l'ancien objectif numéro 2 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SAFER Champagne Ardenne aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la SAFER Champagne-Ardenne à payer à M. X... la somme de 1 900 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille quatre.