AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... avait, par acte sous seing privé du 24 mai 1985, pris en location, en renouvellement d'un bail antérieur, un emplacement dans l'entrée d'un immeuble pour y installer un éventaire de marchand de fruits et légumes ; que le propriétaire des lieux lui ayant délivré congé avec refus de renouvellement pour le 31 décembre 1993, M. X... a chargé M. Y..., avocat, d'agir en paiement d'une indemnité d'éviction ; que le tribunal de grande instance a, par jugement du 18 mai 1995, déclaré la location soumise aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 et fait droit en conséquence à la demande de M. X... en paiement d'une indemnité d'éviction, le montant de celle-ci devant être fixée à dire d'expert ; qu'un appel ayant été interjeté, M. X..., intimé, a chargé M. Y... de poursuivre sa mission et de constituer avoué ; qu'infirmant cette décision par arrêt du 7 mars 1997, réputé contradictoire en l'absence de représentation de M. X..., la cour d'appel, a jugé que ce dernier ne pouvait prétendre au bénéfice des baux commerciaux ni à l'octroi d'une indemnité d'éviction pour la location de l'emplacement au sol dont il était titulaire et a ordonné son expulsion ;
que reprochant à son avocat d'avoir commis une faute en s'abstenant de le représenter et de conclure devant la cour d'appel malgré les instructions reçues, M. X... l'a assigné en paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériel et moral ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi incident de M. Y..., qui est préalable :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 25 novembre 2002) de l'avoir condamné à payer une somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1 / que les dispositions de l'article L. 145-1 et suivants du Code de commerce ne s'appliquent pas aux baux de locaux qui ne sont pas accessoires à l'exploitation d'un fonds dans un immeuble ou local principal ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. X... n'exploitait aucun fonds de commerce dans un immeuble ou un local et qu'il était seulement autorisé à installer un éventaire roulant sur le sol d'une entrée cochère, sans même pouvoir le laisser en permanence à cet endroit ; qu'en décidant que M. X... aurait néanmoins pu bénéficier du statut des baux commerciaux, dès lors que le bail portait par ailleurs sur un local accessoire à usage de réserve, indispensable à l'exercice de son activité commerciale, la cour d'appel a violé les articles L. 145-1 du code de commerce et 1147 du Code civil ;
2 / qu'en toutes hypothèse, les dispositions de l'article L. 145-1 et suivants du Code de commerce ne s'appliquent qu'aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds de commerce est exploité ; qu'en affirmant que le seul fait que le bail ait porté sur un local à usage de réserve et de chambre froide aurait suffit à justifier l'application, en l'espèce, du statut des baux commerciaux, sans relever qu'un fonds de commerce aurait été exploité dans ce local, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-1 du Code de commerce et 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt qui relève que le location du local, individualisé et fermé et dont l'usage ne faisait pas l'objet de restrictions horaires, pouvait être opposée au bailleur comme caractérisant la condition de construction stable au sens de l'article 1 du décret du 30 septembre 1953, que le local litigieux et l'étal placé dans le passage constituaient un ensemble constituant lui même le fonds de commerce, en a exactement déduit qu'il bénéficiait du statut des baux commerciaux ; que la première branche ne pouvant être accueillie, la seconde est, dès lors, inopérante ;
Et sur le moyen unique, pris en ses quatre branches, du pourvoi de M. X... :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen :
1 / que M. X... faisait valoir qu'eu égard au jugement lui ayant reconnu la propriété commerciale et du moyen qu'il aurait pu soutenir permettant à la cour d'appel de confirmer le jugement compte tenu de l'exploitation du fonds pendant dix sept ans, de son âge et de la perte d'emploi de son épouse, la faute commise par l'avocat lui avait causé un préjudice qu'il évaluait à 76 500 euros, l'expert ayant évalué à 469 000 francs l'indemnité d'éviction ; qu'en décidant que compte tenu des aléas inhérents à la procédure en cause, le préjudice résultant de cette perte de chance a été justement évalué par les premiers juges et par motifs adoptés que le rapport de l'expert amiable n'a pas été établi contradictoirement, que l'expert désigné par le jugement conclut à une indemnité de 207 000 francs si la réserve est incluse dans la location, les juges du fond qui écartent l'élément de preuve que constituait le rapport de l'expert officieux, dont l'avocat a été le destinataire et qui a été régulièrement produit aux débats, motif pris que ce rapport n'a pas été établi contradictoirement, ont violé les articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que M. X... faisait valoir que du fait de la faute de l'avocat, il avait subi un préjudice tenant au fait qu'il avait dû assumer des frais et honoraires et tenté d'obtenir justice après l'arrêt rendu par défaut ;
qu'en décidant que compte tenu des aléas inhérents à la procédure en cause, le préjudice résultant de cette perte de chance a été justement évalué par les premiers juges et par motifs adoptés que les frais de procédure engagés postérieurement à l'arrêt de la cour d'appel qui visait à retarder son départ des lieux, auquel il était cependant obligé du fait du congé, sont sans rapport avec l'indemnité d'éviction recherchée, que le pourvoi en cassation, irrecevable dans ce cas, a été engagé à tort, sans préciser d'où il ressortait que le pourvoi était irrecevable, les juges du fond ont violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que M. X... faisait valoir que du fait de la faute de l'avocat, il avait subi un préjudice tenant au fait qu'il avait dû assumer des frais et honoraires et tenté d'obtenir justice après l'arrêt rendu par défaut ;
qu'en décidant que compte tenu des aléas inhérents à la procédure en cause, le préjudice résultant de cette perte de chance a été justement évalué par les premiers juges et par motifs adoptés que les frais de procédure engagés postérieurement à l'arrêt de la cour d'appel qui visait à retarder son départ des lieux, auquel il était cependant obligé du fait du congé, sont sans rapport avec l'indemnité d'éviction recherchée, que le pourvoi en cassation, irrecevable dans ce cas, a été engagé à tort, sans préciser en quoi l'ensemble de ces frais n'avait aucun rapport causal avec la faute commise par l'avocat, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
4 / que M. X... faisait valoir que, eu égard à son âge, à l'exploitation du fonds depuis dix sept années, à la perte d'emploi de son épouse, au chômage depuis, lui-même étant à la retraite, l'avocat devait réparer le préjudice moral consécutif à sa faute ; qu'en décidant de confirmer le jugement entrepris lui ayant alloué la somme de 100 000 francs en réparation de son préjudice résultant de la seule perte de chance d'obtenir une indemnité d'éviction et ayant exclu tout préjudice moral, ajoutant que cette somme recouvrait toute autre cause de préjudice confondue, c'est à dire aussi le préjudice moral dont par motifs adoptés elle retient qu'il n'est pas démontré, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contraires et a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que M. X... n'ayant pas soutenu dans ses conclusions d'appel que les premiers juges auraient à tort écarté le rapport établi par l'expert Marx, la cour d'appel n'avait pas à se prononcer sur ce point non critiqué ; qu'ensuite, s'étant borné à exposer dans lesdites conclusions qu'il s'était désisté du pourvoi en cassation qu'il avait formé dans la mesure où il avait appris que, selon la jurisprudence, ce pourvoi était irrecevable, M. X... n'est pas recevable à critiquer les juges du fond d'avoir retenu cette circonstance ; qu'encore, c'est à bon droit que, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que, hors les frais engendrés par le pourvoi en cassation, les frais de procédure engagés par M. X... postérieurement à l'arrêt de la cour d'appel, et qui visaient à retarder son départ des lieux, auquel il était cependant obligé du fait du congé, étaient sans rapport avec l'indemnité d'éviction recherchée ; qu'enfin, c'est sans se contredire que l'arrêt qui, en confirmant le jugement entrepris du chef du rejet de la demande de réparation d'un préjudice moral, relève que la réparation accordée est intégrale ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande formée par M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille cinq.