AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2004), que le juge de l'expropriation du département de l'Essonne a, par jugement en date du 2 décembre 2002, fixé les indemnités d'expropriation revenant à la société civile immobilière (SCI) Les Chardons ; que cette dernière a interjeté appel, le 31 décembre 2002 ; qu'elle a déposé un mémoire au soutien de son appel, le 6 mai 2003 ;
Sur le moyen unique, qui est recevable :
Attendu que la SCI Les Chardons fait grief à l'arrêt attaqué de la déclarer déchue de son appel, alors, selon le moyen :
1 ) que le principe de loyauté processuelle et les exigences du procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme conduisent à subordonner l'acquisition d'une déchéance encourue à raison du non respect d'un court délai pour conclure, au préalable d'une mise en garde ou d'une injonction spéciale de la part du greffe de la juridiction saisie; que le silence du greffe entre la déclaration d'appel et la date formelle d'acquisition de la déchéance faute de conclusions dans les deux mois de l'appel, était de nature à interdire à ladite déchéance de prendre effet ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les règles et principes susvisés ;
2 ) que constitue un obstacle disproportionné aux droits au juge, l'institution par voie réglementaire d'un très court délai pour conclure à partir de la déclaration d'appel dans une matière essentiellement technique intéressant le droit de propriété; que le délai de deux mois formulé à cette fin par le Code de l'expropriation ne permet pas à l'appelant d'assurer efficacement la sauvegarde de ses droits et le place dans une situation structurellement désavantageuse au regard de la partie publique ; qu'ainsi, la mise en oeuvre des dispositions de l'article R. 13-49 du Code de l'expropriation a méconnu en l'espèce les droits garantis à l'appelant par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 1 du protocole additionnel n° 1 à ladite Convention ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la SCI Les Chardons s'était vu notifier le jugement, le 17 décembre 2002, avec indication de ce que l'appelant devait, à peine de déchéance, déposer ou adresser son mémoire et les documents qu'il entendait produire au greffe de la chambre des expropriations dans le délai de deux mois à compter de l'appel, relevé que les dispositions de l'article R. 13-49 du Code de l'expropriation s'appliquaient indifféremment à l'expropriant ou à l'exproprié selon que l'un ou l'autre relevait appel principal de la décision de première instance de sorte que le principe de l'égalité des armes n'était pas méconnu, la cour d'appel a pu retenir que n'ayant pas déposé de mémoire dans le délai de deux mois de son appel, la SCI Les Chardons était déchue de cette voie de recours ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Les Chardons aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la SCI Les Chardons à payer à la Communauté d'agglomération du Val-d'Orge la somme de 2 000 euros ;
Condamne la SCI Les Chardons à une amende civile de 2 000 euros envers le Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du treize avril deux mille cinq par M. Villien, conseiller doyen, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.