AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'aux termes d'un acte authentique instrumenté par M. X..., notaire, M. Y... a concédé aux époux Z..., leur vie durant, un droit d'usage et d'habitation sur la ferme et ses dépendances, dont il est propriétaire, avec constitution d'une servitude de passage sur un terrain lui appartenant, moyennant le prix forfaitaire de 30 000,00 francs et à charge, pour lui, d'assurer toutes les réparations, menues ou grosses, et de supporter les charges de chauffage, eau et électricité ; que l'arrêt attaqué a, notamment, prononcé la nullité de la convention pour absence de cause, déclaré M. X... responsable du préjudice subi par M. Y... et condamné le premier à garantir le second des demandes que les époux Z... viendraient à formuler contre celui-ci aux fins de paiement de la valeur des travaux réalisés par eux, dans les lieux, en tant que bénéficiaires du droit d'usage et d'habitation, sur justification de leur montant ;
Sur le premier moyen, tel qu'il figure au mémoire en demande et est annexé au présent arrêt :
Attendu que, contrairement à ce que soutient le moyen, la cour d'appel qui, en se référant à l'économie du contrat, a, notamment, relevé que les époux Z... n'étaient obligés qu'au seul paiement des charges fixes et impôts afférents à l'immeuble et examiné leur obligation au paiement du prix convenu au regard tant de l'espérance de vie des parties que de la durée d'amortissement par rapport aux loyers qu'ils payaient antérieurement, a, en considération de ces éléments, souverainement retenu le caractère dérisoire de ce prix pour en déduire exactement l'absence de cause de l'obligation contractée par M. Y... ;
que le grief manque en fait ;
Mais, sur le second moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que les demandes de remboursement des améliorations apportées au fonds par le bénéficiaire d'un droit d'usage et d'habitation, à la suite de l'annulation de la convention établissant un tel droit, n'ont pas un caractère indemnitaire dès lors qu'elles procèdent de la nécessité, consécutive à cette annulation, de rétablir le patrimoine des parties à l'acte dans l'état où il se trouvait avant la conclusion de celui-ci ;
Attendu que pour condamner M. X... à garantir M. Y... du paiement, éventuellement réclamé par les époux Z..., de la valeur des travaux qu'ils ont réalisés, l'arrêt retient que le préjudice du propriétaire, se traduisant par l'émergence, à sa charge, d'une obligation supplémentaire de dédommager les occupants du coût des travaux, est incontestablement en relation causale directe avec l'annulation de la convention puisque, si celle-ci avait connu une exécution normale jusqu'à l'extinction du droit d'usage et d'habitation concédé, ce propriétaire aurait légitimement profité, en recouvrant la plénitude des prérogatives attachées à son droit de propriété sur l'immeuble, de l'ensemble des travaux ayant pu en accroître la valeur, sans être tenu à aucune indemnité ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à garantir M. Y... des demandes que les époux Z... viendraient à formuler à l'encontre de celui-ci aux fins de paiement de la valeur des travaux réalisés par eux, dans les lieux, en tant que bénéficiaires du droit d'usage et d'habitation, sur justification de leur montant, l'arrêt rendu le 24 décembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille cinq.