AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Met hors de cause la société Axa France, venant aux droits de la société Axa assurances ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 septembre 2003), que la société Côte d'Azur investissements immobiliers (CAII) a vendu à la société civile immobilière Quel Mia (la SCI), des locaux en l'état futur d'achèvement ; que des infiltrations étant apparues, la SCI a assigné la société CAII en réparation des désordres et en paiement de dommages-intérêts pour troubles de jouissance ; que la société La Lauvette, venant aux droits de la société CAII, a appelé en garantie M. X..., architecte, la société Coplan, maître d'oeuvre, M. Y..., entrepreneur, assuré par la société Axa France et la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), assureur dommages-ouvrage et constructeur non réalisateur (CNR) ; que M. Z... et Mme A..., associés de la SCI, ont demandé la condamnation de la société venderesse à leur payer des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice personnel ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société compagnie immobilière Phénix promotion (CIPP), venant aux droits de la société La Lauvette, fait grief à l'arrêt de déclarer les opérations d'expertise inopposables aux locateurs d'ouvrage et à la SMABTP et, en conséquence de les mettre hors de cause sur son appel en garantie, alors, selon le moyen :
1 / que tout rapport d'expertise peut valoir à titre de preuve dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties ; que pour rejeter les appels en garantie formés par la société CIPP, la cour d'appel a décidé que les opérations d'expertise n'ayant pas été déclarées communes aux appelés en garantie, les conclusions du rapport d'expertise judiciaire versé aux débats leur étaient inopposables ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en ne recherchant pas, en tout état de cause, si l'existence et l'imputation des désordres ne s'évinçaient pas des autres éléments de preuve versés régulièrement aux débats et en particulier des correspondances échangées entre la SCI Quel Mia et les personnes intervenues dans la construction de l'ouvrage, ainsi que du rapport d'expertise amiable du Cabinet Sery Prouvost, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la société CIPP n'a pas demandé à être garantie par les locateurs d'ouvrage ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que les opérations de l'expert judiciaire n'avaient jamais été déclarées communes à la SMABTP et que la société CIPP, ainsi que la SCI, savaient que cet assureur contestant le caractère décennal des désordres, refusait ses garanties, la cour d'appel qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a exactement retenu que faute d'avoir été attraite aux opérations d'expertise, la SMABTP devait être mise hors de cause ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 1646-1 et 1382 du Code civil ;
Attendu que le vendeur d'un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code ;
Attendu que pour condamner la société CIPP à payer des dommages-intérêts à M. Z... et à Mme A..., l'arrêt retient que les difficultés de la SCI n'ont pu qu'avoir des conséquences malheureuses sur les plans financiers, moral, psychologique et médical pour ses deux associés, qui s'étaient portés caution de l'emprunt souscrit par la SCI et que la société CIPP est responsable du préjudice subi par ceux-ci par application des articles 1646-1 et 1382 du Code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les garanties légales prévues par l'article 1646-1 du Code civil ne bénéficient qu'à l'acquéreur et aux propriétaires successifs de l'immeuble et sans caractériser la faute quasi-délictuelle qu'aurait commise la société venderesse à l'égard des associés de la SCI, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société CIPP à payer des dommages-intérêts à M. Z... et à Mme A..., l'arrêt rendu le 4 septembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne, ensemble, la société Compagnie immobilière Phénix promotion Azur construction, M. Z... et Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Compagnie immobilière Phénix promotion Azur construction ; la condamne à payer à M. X..., à la société Axa France et à la SMABTP, ensemble, la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du vingt-cinq mai deux mille cinq par M. Villien, conseiller doyen, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.