AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Caixabank France du désistement de son pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre MM. X..., Y..., Z..., A..., Le B..., C..., D..., E..., F..., G..., H..., I..., J..., K..., L..., M..., ès qualités, N..., ès qualités, et O..., les époux P..., Mmes Q..., R... et S..., la société SEAM, l'entreprise Tissot étanchéité et la société Les Mutuelles du Mans assurances ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 24 novembre 2003), que la société civile immobilière Chalet Camille (la SCI), depuis lors en liquidation judiciaire, a fait édifier, pour les vendre en l'état futur d'achèvement, un groupe d'immeubles en qualité de maître de l'ouvrage et de maître d'oeuvre, une assurance "dommages-ouvrage" étant souscrite auprès de la mutuelle d'assurance L'Auxiliaire, et une garantie d'achèvement auprès de la société Caixabank, en application de l'article R. 261-21 du Code de la construction et de l'habitation ; qu'ayant constaté des inachèvements et des désordres, le syndicat des copropriétaires des immeubles Chalets Camille a assigné le maître de l'ouvrage, les constructeurs, les assureurs et le garant en réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Caixabank fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1 / qu'une caution est libérée de son engagement lorsque le créancier n'a pas déclaré sa créance en temps utile au passif de la procédure collective ouverte contre le débiteur ; que cette exception peut notamment être opposée par la caution qui s'est obligée, envers l'acquéreur d'un immeuble vendu en l'état futur d'achèvement, à garantir le paiement des sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble ;
qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le syndicat des copropriétaires Immeubles Chalets Camille n'a pas déclaré de créance au passif de la société civile immobilière Chalet Camille dans le délai légal ; que la Caixabank, garant d'achèvement, a invoqué l'extinction de son obligation de caution en raison de l'absence de production au passif ; qu'en décidant que la garantie prévue par l'article R. 261-21 du Code de la construction et de l'habitation présentait un caractère autonome, de sorte que les acquéreurs peuvent en bénéficier même s'ils n'ont pas déclaré leur créance au passif du maître d'ouvrage, la cour d'appel a violé les articles 4 de la déclaration des droits de l'homme, 1134 du Code civil et R. 261-21 du Code de la construction et de l'habitation, ainsi que le principe de sécurité juridique ;
2 / qu'un maître d'oeuvre a qualité pour établir une déclaration d'achèvement de l'immeuble, même s'il est également le maître d'ouvrage ; qu'en l'espèce, il est constant que la société civile immobilière Chalet Camille exerçait les fonctions de maître d'ouvrage et de maître d'oeuvre, et qu'elle a signé une déclaration d'achèvement de travaux à la date du 15 février 1991 ; qu'en décidant que la déclaration d'achèvement devait nécessairement émaner d'un professionnel indépendant ayant participé à la maîtrise d'oeuvre, et non du maître d'ouvrage même s'il est également maître d'oeuvre, la cour d'appel a violé l'article R. 261-24 du Code de la construction et de l'habitation ;
3 / que le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen relevé d'office sans avoir préalablement ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur son mérite ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a estimé qu'une déclaration d'achèvement devait émaner d'un professionnel indépendant ayant participé à la maîtrise d'oeuvre, et non du maître d'ouvrage même s'il est également maître d'oeuvre, et que le certificat de conformité avait été refusé ; qu'en se fondant sur ces moyens qui n'avaient pas été invoqués par le syndicat des copropriétaires, sans avoir préalablement rouvert les débats pour assurer le respect du principe du contradictoire, la cour d'appel a violé les articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / que la garantie d'achèvement prend fin à l'achèvement de l'immeuble résultant de la déclaration certifiée par un homme de l'art, indépendamment de la délivrance ou non d'un certificat de conformité ;
que pour décider que la Caixabank restait tenue de la garantie d'achèvement, la cour d'appel a relevé que le certificat de conformité avait été refusé, violant ainsi l'article R. 261-24 du Code de la construction et de l'habitation ;
5 / que le garant d'achèvement ne peut être tenu que des non-conformités au permis de construire qui concernent l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur aspect extérieur, leur dimension et l'aménagement de leurs abords ; qu'en décidant que ces non-conformités concernaient seulement les conditions de délivrance du certificat de conformité, la cour d'appel a violé les articles R. 261-24, R. 460-1 et R. 460-3 du Code de l'urbanisme ;
6 / que l'expert judiciaire est tenu de respecter le principe de la contradiction en toutes circonstances, et doit donc s'assurer que les pièces et les dires ont été adressés à l'ensemble des parties, même à celles qui ont déclaré ne pas vouloir assister aux opérations d'expertise ;
que dans ses conclusions d'appel, la Caixabank a fait valoir qu'elle n'avait pas reçu les pièces et dires échangés entre les parties au cours des opérations d'expertise ; que pour refuser d'annuler le rapport d'expertise, la cour d'appel s'est fondée sur un courrier dans lequel la Caixanbank a indiqué qu'elle ne voulait pas prendre part aux opérations d'expertise ;
qu'en se fondant sur ce motif, la cour d'appel a violé les articles 16 et 160 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la convention liant les parties, établie en application de l'article R. 261-24 du Code de la construction et de l'habitation, présentait un caractère autonome ne relevant pas du droit commun du cautionnement, et permettant aux acquéreurs de bénéficier de la garantie d'achèvement même en l'absence de déclaration de créance au passif du maître de l'ouvrage, relevé à bon droit que la certification de l'achèvement de la construction, émanant d'une personne ayant la double qualité de maître de l'ouvrage et de maître d'oeuvre, n'avait pas été émise par un professionnel indépendant ayant la qualité d'"homme de l'art" au sens de la disposition précitée et constaté, par un motif non critiqué, que l'expert avait indiqué que les parties, et notamment la société Caixabank, avaient été dûment convoquées à ses opérations, la cour d'appel a pu en déduire, sans se déterminer par un moyen relevé d'office, et sans violer le principe de la contradiction, abstraction faite d'un motif surabondant relatif au certificat de conformité, que la société Caixabank était débitrice de la garantie d'achèvement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que le grief, fait à l'arrêt de ne pas répondre à la demande de la société Caixabank tendant à obtenir la garantie de diverses parties pour le paiement de sommes calculées toutes taxes comprises, dénonce une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du nouveau Code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Caixabank France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Caixabank France à payer au syndicat des copropriétaires Immeuble Chalets Camille la somme de 2 000 euros, à la société L'Auxiliaire la somme de 2 000 euros et à la société Socotec la somme de 500 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Caixabank France ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille cinq.