AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 10 février 2004) que Mme X..., propriétaire de parcelles, a donné à bail à la société civile d'exploitation agricole du Moulin de Bley (la SCEA) deux d'entre elles et à M. Y... une autre ; qu'à la suite d'une opération de remembrement, lui ont été attribuées en remplacement des deux premières une parcelle cadastrée ZR 24 et en remplacement de la troisième une parcelle cadastrée ZP 40 ; que la SCEA a pris possession de l'intégralité de la parcelle ZR 24 ; que M. Y... ayant labouré une partie de cette parcelle, la SCEA a demandé en justice qu'il soit déclaré sans droit ni titre sur cette parcelle et condamné à cesser toute opération de culture et à lui payer une indemnité ; que M. Y... et le Groupement agricole d'exploitation en commun Y... (le GAEC) auquel il avait mis à disposition cette parcelle, ont reconventionnellement sollicité la réparation de leur préjudice ;
Attendu que M. Y... et le GAEC font grief à l'arrêt d'accueillir la demande de la SCEA et de rejeter leur demande reconventionnelle, alors, selon le moyen :
1 / que le locataire d'une parcelle atteinte par le remembrement a le choix ou d'obtenir le report des effets du bail sur les parcelles acquises en échange par le bailleur, ou d'obtenir la résiliation totale ou partielle du bail, sans indemnité, dans la mesure où l'étendue de sa jouissance est diminuée par l'effet du remembrement ; que la cour d'appel, pour juger M. Y... et le GAEC occupants sans droit ni titre de la parcelle ZR 24 "Au Sorlet" et les condamner à cesser toute opération de culture sur ladite parcelle ainsi qu'au paiement de dommages-intérêts, a retenu que la SCEA avait opté pour le report des effets du bail sur la parcelle ZR 24 et réglé le fermage correspondant, que la bailleresse ne pouvait sans porter atteinte au bail dont est titulaire la SCEA, autoriser M. Y... à exploiter une partie de cette même parcelle et qu'il appartenait à celui-ci de solliciter une résiliation totale ou partielle du bail dont il était lui-même titulaire ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la parcelle ZR 24 litigieuse était d'une surface supérieure de près d'un hectare aux deux parcelles précédemment exploitées par la SCEA, tandis que la parcelle ZP 40 était inférieure de plus d'un hectare à la parcelle auparavant exploitée par M. Y... et le GAEC, et que M. Y... avait exploité avec l'autorisation de la bailleresse une partie de la parcelle ZR 24, ce dont il résulte qu'il avait aussi opté pour le report du bail, la cour d'appel a violé l'article L. 123-15 du Code rural ;
2 / que M. Y... et le GAEC avaient fait valoir que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 mai 2001, Mme X... avait informé M. Z..., gérant de la SCEA, avoir donné l'autorisation à M. Y... de reprendre sa location aménagée "Au Sorlet" sur un hectare soit 250 mètres de longueur sur 40 mètres de largeur côté Montureux, en précisant que le géomètre viendrait confirmer le partage de cette parcelle ; que la cour d'appel, pour juger M. Y... et le GAEC, occupants sans droit ni titre de la parcelle ZR 24 "Au Sorlet" et les condamner à cesser toute opération de culture sur ladite parcelle ainsi qu'au paiement de dommages-intérêts, a retenu que la SCEA avait opté pour le report des effets du bail sur la parcelle ZR 24 et que la bailleresse, qui l'avait implicitement reconnu en délivrant le 28 juin 2001 au gérant de la SCEA un congé mentionnant la superficie totale de la parcelle auquel elle avait ensuite renoncé, ne pouvait sans porter atteinte au bail dont est titulaire la SCEA, autoriser M. Y... à exploiter une partie de cette même parcelle ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur l'autorisation préalablement donnée à M. Y..., portant sur un hectare de la parcelle litigieuse, dont il résultait que la SCEA ne pouvait se voir reconnaître la qualité de locataire de l'intégralité de la parcelle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les parcelles louées à la SCEA et à M. Y..., antérieurement au remembrement, étaient de nature différente, les parcelles louées à la SCEA étant en nature de terres et celle louée à M. Y... étant en nature de pré, et que, dans le cadre du remembrement, Mme X... avait obtenu en échange des premières une parcelle en nature de terre ZR 24 et en échange de la seconde une parcelle ZP 40, et relevé que la SCEA avait opté pour le report des effets du bail sur la totalité de la parcelle ZR 24, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et qui, quelle que fût la superficie des parcelles échangées, en a exactement déduit que la bailleresse ne pouvait, sans porter atteinte au bail dont était titulaire la SCEA, autoriser M. Y... à exploiter une partie de cette même parcelle, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne, ensemble, M. Y... et le GAEC Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, M. Y... et le GAEC Y... à payer à la société Du Moulin de Bley la somme de 2 000 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et du GAEC Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille cinq.